L’Afrique a longtemps été un acteur secondaire de l’économie mondiale. Les entreprises africaines étaient peu voire pas développées et attiraient un nombre restreint d’acteurs étrangers. Aujourd’hui, ce monde est révolu et le continent enregistre une augmentation considérable du nombre d’investissements. De plus, la tendance est à la hausse, les experts estiment que les investissements africains devraient atteindre plus de 10 milliards de dollars d’ici 2025.
Le dynamisme d’un écosystème, facteur de puissance
Avec un écosystème valorisé à 4,3 milliards de dollars, le continent africain semble connaître une dynamique entrepreneuriale croissante. Particularité de cet environnement, sa concentration, tant géographique – avec la quasi-totalité de ce montant regroupé dans cinq villes (Le Cap, Lagos, Johannesburg, Nairobi et Accra) – que technologique, la fintech dominant les investissements en Afrique (plus de 1,44 milliard de dollars investis dans le secteur entre janvier 2018 et juin 2020).
Avec une hausse des investissements non négligeable, l'Afrique semble entrer dans une révolution entrepreneuriale. En passe de devenir un nouvel eldorado pour cet écosystème déjà conséquent, elle connaît un potentiel de création considérable. Accueillant sa quatrième licorne (entreprise des nouvelles technologies dont la valorisation a atteint au moins 1 milliard de dollars), le continent accroît sa compétitivité et son attractivité. Passé de 55 startups financées avec succès en 2015, à 359 en 2020, le continent connaît une forte croissance. Ces données sont appuyées par AfricArena, qui prédit que les entreprises africaines devraient lever 2,8 milliards de dollars cette année, notamment au Nigeria et au Kenya. Les investissements africains devraient ainsi atteindre plus de 10 milliards de dollars d'ici 2025.
Ce dynamisme traduit la montée en puissance du continent et son attractivité. En effet, d’après l'indice mondial des écosystèmes de startups (GSEI), 14 pays africains figurent dans le top 100 mondial. L'Afrique du Sud gagne notamment quatre places pour se classer au 48e rang mondial. L'Afrique a su grimper dans le classement en s’intégrant dans la mondialisation. Le pays a rejoint les BRICS, il s’agit de la seule puissance économique africaine à y être intégrée, confirmant la trajectoire ascendante de l'écosystème africain. Dans un second temps, l’Afrique du Sud a su s’appuyer sur ses entreprises : sur 500 entreprises africaines, 127 sont sud africaines et produisent 40 % du chiffre d'affaires total de l’Afrique. Eskom, quatrième groupe mondial d’électricité, fournit de l’électricité à la moitié du continent, même s’il se heurte à des difficultés (coupures régulières, réseau vieillissant). De même, deux opérateurs de téléphonie mobile sud africains sont en concurrence jusqu’à la lisière du Sahara et c’est au Cap que s’est tenu en 2012 le grand salon professionnel AfricaCom. L’Afrique du Sud est également le berceau de deux chaînes de supermarchés présents dans toute l’Afrique, ShopRite et Score.
Moteur de création d'emplois et de croissance économique, cet écosystème est également facteur de puissance. Jouant de son dynamisme et de sa jeunesse, le continent pourra ainsi prendre une posture stratégique différenciante et se positionner comme nouvel entrant dans ce monde concurrentiel. L'Afrique souhaite utiliser sa jeunesse comme moteur de développement dans le but de combler certaines lacunes comme l’agriculture. Pour attirer davantage de jeunes africains vers l’agriculture, la Banque africaine de développement a investi depuis 2016 plus de 800 millions de dollars. Elle mène des actions de soutien aux jeunes agriculteurs dans plus de 15 pays et mobilise plus de 1,5 milliard de dollars par an sur les dix prochaines années afin d’aider ces jeunes entrepreneurs agricoles. Afin d’accélérer l’industrialisation de l’Afrique, la Banque fait la promotion de zones économiques spéciales (ZES) à travers le continent en vue d’attirer des investisseurs dans son secteur industriel. Des zones qui demandent un important contingent de la jeune main-d'œuvre.
Un écosystème freiné par des faiblesses structurelles
Cependant, malgré ce dynamisme, de réelles faiblesses existent sur le continent africain, particulièrement en termes de soutien et de développement des startups. Résultat, les startups africaines dépassent rarement le stade du financement de série B, qui leur permettrait de poursuivre leur développement, et de commencer à s’internationaliser. Les investissements en capital-risque connaissent donc un faible rendement (moins de 3 % en moyenne dans la région sur cinq ans, contre environ 11 % en Asie-Pacifique et près de 16 % en Europe). Dans les faits, le continent ne compte à ce jour que six licornes, et environ et 20 zèbres africains (valorisés à 200 millions de dollars). En comparaison, il y a plus de 50 licornes au sein de l'UE, 100 en Chine et 200 aux États-Unis.
Les obstacles structurels qui viennent renforcer ces faiblesses peuvent rendre l'Afrique “hostile” aux yeux des entrepreneurs et des investisseurs en technologie, qui préféreront un environnement plus accueillant. La fragmentation du marché en 54 pays, le faible pouvoir d'achat, les réglementations complexes, les infrastructures de communication insuffisantes, la pénurie de capitaux et de talents numériques sont autant de contraintes à la stabilité de l’écosystème. À ces difficultés s’ajoutent des obstacles conjoncturels ainsi qu’un environnement concurrentiel assez peu favorable ; rares sont les startups parvenant à surmonter l’ensemble de ces obstacles. Le PDG de SA SME Fund Ketso Gordhan illustre bien dans sa déclaration le manque de capitaux pour les startups africaines : « Je suis l'un des plus gros limited partners d'Afrique du Sud, avec 700 millions de rands (40 millions d'euros) sous gestion, ce qui vous indique à quel point la situation est mauvaise ». Les investisseurs sont unanimes : le capital-risque africain n'est pas assez financé. En cause, des fonds de pension qui connaissent encore mal cette classe d'actifs.
Avec des secteurs clés (services financiers, commerce de détail, énergie) contrôlés par de grands groupes commerciaux ou des monopoles d'État, il est de commune mesure de faire obstacle aux nouveaux arrivants.
L'environnement des startups en Afrique est donc fortement ambivalent. Malgré son agressivité, il connaît tout de même une croissance notable, ainsi qu’une dynamique positive. Il semble juste de penser que celle-ci n’est que moindre en comparaison à son potentiel. En effet, les divers obstacles énumérés ci-dessus ne font que freiner la création d'emplois et le développement économique, menaçant également la compétitivité des champions nationaux africains en les privant de sources cruciales de technologies, de produits et de modèles commerciaux innovants. Au fil du temps, les plus grandes entreprises africaines deviendront de plus en plus dépendantes des principaux acteurs technologiques mondiaux dans leurs segments, et leurs marges bénéficiaires se réduiront. Au fil du temps, une dépendance des entreprises africaines s'est créée avec la Chine. Selon le rapport du cabinet américain Mckinsey, la Chine génère aujourd’hui près de 12 % de la production industrielle africaine qui est estimée à 500 milliards.
Ben Savic pour le Club Start-up & Innovation de l’AEGE
Pour aller plus loin :