Recette pour diviser les Gaulois, à la sauce de la guerre psychologique

Jules César l’avait relevé dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules. La division, c’est le point faible des Gaulois. Après avoir subi les Douze travaux d’Hercule, les jeux du cirque, le petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur romain, a dû faire face à une menace nouvelle, bien particulière et tellement d’actualité. Une menace qui n’a nul besoin de muscle : la guerre psychologique.

Une idée qui ne coûte pas cher

Avant tout, revenons sur cette histoire bien particulière. 

Encore dans sa conquête des Gaules, Jules César se voit refuser par le Sénat des fonds pour de nouvelles campagnes, tant qu'un simple village de Gaulois lui résiste encore et toujours. Alors une idée lui vient à l’esprit, il décide d'envoyer aux Gaulois Tullius Détritus, un Romain qui a le don inouï de semer la zizanie autour de lui partout où il passe.

Son arme : la guerre psychologique.

Son objectif : semer la discorde chez l’ennemi, pour le désunir et disperser nos célèbres Gaulois.

 

Une recette imparable 

Tout d’abord, l’envoyé de César, pour qui l’on aurait presque de la pitié, va se baser sur la désinformation

Ensuite, il va faire croire aux Gaulois que le rapport de force est inversé. Et que les Romains disposent de moyens militaires plus élevés que dans la réalité. Détritus, se sachant observé par les Gaulois, organise la distribution d’un ersatz de potion magique, qui n’est en réalité que de l’eau chaude.

La manipulation continue ensuite, lorsque le fourbe romain, fait croire au reste du village gaulois qu’il noue des liens d’amitié avec Astérix, avec lequel il aurait partagé un sanglier.

Et enfin le coup final ! La division s’installe vraiment lorsqu’il offre un cadeau à Astérix, qui pourtant n’en veut pas. Un vase qui n’est pas de Soisson. Cette manœuvre renforcera l’esprit de division.

Pour agrémenter votre recette, un conseil : utilisez le principe d’incommunication. Celle-ci peut être définie comme l’absence de communication entre deux éléments pouvant facilement devenir source de conflit. Suite à cela, chacun des personnages reçoit des messages mésinterprétés ou surinterprétés par ses auditeurs. Avec pour unique but de brouiller leurs repères et leur faire prendre leurs proches pour ce qu'ils ne sont pas.

Uderzo souligne cela visuellement. Les bulles deviennent vertes lorsque l’influence de Détritus fait effet. 

Votre guerre psychologique est fin prête, dégustez !

 

Une stratégie qui ne prend pas une ride

Cet album n’a rien de malfaisant, et a pour seul but de divertir les petits comme les grands, de 7 à 77 ans. Mais, à y réfléchir, il a quand même certains côtés un peu plus sombres.

Tout d’abord, cet album a été publié en 1970, soit huit petites années après la Guerre d’Algérie. Peut-être l’un des conflits les plus célèbres pour son utilisation de la guerre psychologique. L’un des exemples les plus frappants reste le dénouement de l’album. Ne pensez pas directement au festin final, mais revenons un peu en avant. 

Notre courageux Gaulois aux longues moustaches, parvient à déjouer le plan machiavélique en utilisant une technique proche de la bleuite. Par une poignée de main, Astérix introduit la discorde chez l'ennemi en faisant croire aux Romains que Détritus était un agent double, à la solde des Gaulois. Ce virus de la suspicion est d’une efficacité redoutable. Taos Aït Si Slimane dans la « Fabrique de l’histoire » explique, que « le doute, la suspicion, la paranoïa se sont diffusés comme un poison dans les rangs de l’ALN FLN avec une efficacité redoutable, et se sont étendus dans les wilayas voisines, le tout sans exposer le moindre soldat français ».

En relisant cet album, cette fois-ci avec des yeux d’adultes, on constate nettement que les auteurs ont réussi à utiliser les principales recettes de la manipulation.

À la différence de nombreuses BD de l'époque, qui mettent à l’honneur l’esprit chevaleresque, ils ont préféré l’analyse psychologique. Ainsi, ils font entrer leurs héros dans le domaine sombre de la guerre psychologique. Provoquant de nombreuses déconvenues. Et si cela a failli faire tomber nos irréductibles Gaulois, nous devrions peut-être prendre note…

 

Jean-Stanislas Bareth

 

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