Les 26e Rencontres AMRAE, qui se sont déroulées à Marseille en février, ont été l’occasion de s’intéresser à la qualité de vie au travail. Philippe ANFRAY, directeur des risques et du contrôle interne DRH à La Banque Postale, Patricia CADRE, directrice prévention RPS en charge de l’offre de services Pluridis chez Axa Assistance, et Anne ANDRE, directeur général délégué en charge de Business unit conseil au sein du groupe Henner, sont intervenus à l’occasion d’un atelier consacré aux enjeux et outils de la qualité de vie au travail.
A l’intersection entre le bien-être, la santé physique, la santé mentale et le management, la qualité de vie au travail (QVT) nécessite une approche globale afin de saisir ses enjeux au cœur des préoccupations humaines de l’entreprise.
La QVT : définition et cadre légal
Si la QVT n’a pas de définition légale au sens strict, elle s’inscrit dans le cadre de la négociation sur la qualité de vie au travail, lors du vote de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen ». Selon l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT), la démarche de QVT peut être mise en place dans différents contextes :
- Lors d’un projet de transformation technique ou organisationnel ;
- En réponse à des dysfonctionnements ou pour une meilleure prise en compte du travail dans le management quotidien ;
- Dans le cadre de la négociation sur la QVT.
Pour l’ANACT, « cette démarche est centrée sur l’analyse des situations de travail réelles et la réflexion partagée sur l’organisation du travail dans des espaces de discussion sur le travail, permet de renforcer non seulement l’efficacité des transformations mais aussi la qualité de l’engagement des salariés et le respect des obligations sociales de l’entreprise. »
Les risques psycho-sociaux
Les risques psycho-sociaux, ou RPS, ont une place centrale dans l’appréhension des risques relatifs aux ressources humaines. Par RPS, la loi et la jurisprudence désignent :
- Le harcèlement moral ou sexuel ;
- Le stress au travail ;
- Les violences et incivilités au travail ;
- Le suicide en lien avec le travail.
Le contexte réglementaire est alors contraignant avec les notions d’obligation de sécurité et de faute inexcusable.
Le stress, au cœur des préoccupations, peut pousser au burn-out, ou syndrome de l’épuisement professionnel, qualifié, selon l’OMS, d’« un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». Trois types de stress peuvent être identifiés :
Capture d’écran de la présentation PowerPoint Atelier B8 Outils QVT AMRAE
Pour les collaborateurs, les impacts du stress sur le comportement et la santé sont nombreux et dramatiques. Selon le rapport d’analyse de l’enquête ANACT, Le stress au travail, de 2009, pour les personnes soumises au stress au travail :
- 21% augmentent leur consommation d’alcool, de tabac et de nourriture ;
- La moitié des personnes développent des troubles du sommeil ;
- Un quart des personnes reconnaissent une baisse de vigilance ;
- 75% des fumeurs fument davantage.
Les impacts pour l’entreprise sont eux aussi conséquents avec l’augmentation des suicides liés au stress. Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), près de 30% des salariés européens souffrent de stress au travail et aucun secteur d’activité n’est épargné. 50% des journées de travail perdues seraient liées au stress au travail. Le coût direct du stress professionnel représenterait 3 à 4% du PIB de l’Union européenne. En France, il serait estimé entre 2 et 3 milliards d’euros. Les enjeux pour l’entreprise peuvent être tant d'ordre financier que réputationnel. Les cas de suicide en entreprise, étant fortement médiatisés, ont des conséquences fortes sur l'image de l'entreprise, autant externe, auprès des actionnaires, des clients, de l’opinion publique, qu’interne, auprès des salariés, de leurs familles et des instances représentatives du personnel.
La prévention des RPS
Trois niveaux de prévention des RPS peuvent alors être identifiés :
Capture d’écran de la présentation PowerPoint Atelier B8 Outils QVT AMRAE
Le dispositif de prévention RPS s’opère à quatre niveaux :
- Soutien informationnel : communication descendante/ascendante, lien entre prévention RPS et politique ;
- Soutien émotionnel : politique de reconnaissance, autodiagnostic, dispositif de gestion de crise, soutien post-traumatique organisé ;
- Soutien sociétal : promouvoir la santé au travail, réassurance sur l’avenir de l’entreprise, conciliation vie privée/vie professionnelle ;
- Soutien instrumental : formation des acteurs clés RPS, processus de signalement/droit d’alerte, service d’écoute, suivi en face à face, atelier et formation professionnelle, co-développement, etc.
Si la QVT a un coût, elle doit être considérée comme un investissement car elle participe au développement du capital humain et contribue à la performance de l’entreprise.
Retour d’expérience au sein du groupe La Poste
Le groupe La Poste, qui regroupe un peu plus de 250 000 collaborateurs en 2016, a diversifié ses activités ces dernières années : aux services « courrier-colis » sont venus s’ajouter le développement de La Banque Postale, groupe né en 2006, de Géopost, du Numérique, etc.
Avec plus de 17 000 points de contact, 10 000 conseillers et 26 000 chargés de clientèle ainsi que près de 11 millions de clients actifs, les préoccupations liées à la qualité de la vie au travail sont devenues multiples, d’autant plus que les transformations, notamment digitales, sont nombreuses et rapides. Le périmètre de la QVT se délimite par quatre thèmes :
- La santé et la sécurité des personnes ;
- La qualité de l’accompagnement personnel : développement personnel, formation, évolution professionnelle, conciliation vie professionnelle et vie privée ;
- La qualité du collectif : relations avec les clients, relations internes, qualité du management ;
- La qualité du travail : organisation, contenu, sens, accompagnement du changement, conditions de travail.
Les enjeux sont nombreux pour La Poste : assurer la sécurité des collaborateurs, attirer les candidats externes, limiter l’absentéisme, faciliter les nombreuses transformations de l’entreprise et contribuer à la satisfaction du client.
Plusieurs étapes ont été nécessaires au sein du groupe pour intégrer la QVT dans le fonctionnement de l’entreprise :
- Création d’une direction spécifique dans chaque branche,
- Création d’une commission QVT dans chaque direction locale ;
- Mise en place d’un budget QVT dans chaque entité locale.
Depuis, plusieurs actions ont été engagées au sein du groupe et des programmes dédiés ont été lancés. Force est de constater que, depuis la mise en place de cette politique, le groupe enregistre une baisse des accidents du travail, des absences et un turn over très limité. Grâce à un programme dédié à la lutte contre les incivilités, l’intensité de ces dernières a été limité, ainsi que l’impact sur les collaborateurs. Néanmoins leur nombre est en augmentation, montrant ici la limite des mesures prises.
Des sujets très diversifiés sont aujourd’hui au cœur de l’actualité QVT : le télétravail, le co-working, la culture digitale, le harcèlement moral ou sexuel ou encore le droit à la déconnexion.
Impact des programmes de prévention en entreprise
La mise en place de programmes de prévention permet de diminuer l’absentéisme, d’améliorer la productivité, d’attirer les talents et de réduire les coûts de l’assurance santé. Les avantages sont aussi nombreux pour l’entreprise que pour le salarié.
Aujourd’hui, l’importance de la qualité de vie au travail n’est plus discutable. Elle se doit d’être intégrée dans l’ensemble des politiques de ressources humaines des entreprises. Une politique de QVT permet d’agir sur la fréquence ou encore l’intensité de certains risques.
Julie Soulié