La contrefaçon de logiciels : Anticiper pour mieux détecter [Partie 2/2]

Comme vu en première partie, la contrefaçon de logiciels peut être évitée par de nombreux outils permettant d’anticiper les risques de contrefaçon de logiciels. Si ce marché est source de profits importants pour les contrefacteurs, il représente également un danger important pour les consommateurs et les entreprises. Ainsi, des moyens de luttes anticipatifs et défensifs peuvent être mis à l’œuvre.

Stratégie défensive, moyen de lutte contre la contrefaçon de logiciel sur le marché

Lorsqu’un consommateur, qu’il soit une personne physique ou morale, détenteur des droits intellectuels et patrimoniaux de propriété intellectuelle d’un logiciel devient victime d’une contrefaçon, plusieurs étapes juridiques s’offrent à lui pour obtenir réparation et dédommagement de la fraude qu’il a subi, à condition que ce dernier engage l’action judiciaire.

En premier lieu, l’entreprise détentrice des droits de propriété intellectuelle et le contrefacteur présumé entament une phase de négociation quant à l’utilisation illicite des logiciels et demande la régularisation des droits. Cette étape se réalise de façon confidentielle et à l’amiable pour éviter de longues procédures judiciaires ainsi que l’engorgement des tribunaux. Si le contrefacteur est de bonne foi, il indemnise l’entreprise à hauteur du montant des licences usurpées et de sa maintenance. En effet, à la suite de cette usurpation d’identité, l’entreprise éditrice du logiciel perd du chiffre d’affaires. En second lieu et uniquement en cas de mauvaise foi de l’entreprise contrefactrice, le juge civil peut être saisi ainsi que le juge pénal pour délit de contrefaçon avec une sanction pouvant aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

Les nouvelles méthodologies de travail ainsi que l’évolution croissante des menaces, notamment de contrefaçon, engendrent des complications juridiques. Selon l’article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, le logiciel est une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur. Cependant, le caractère original du logiciel étant un préalable nécessaire à la protection, celle-ci n’est pas acquise automatiquement. L’originalité d’une œuvre peut être définie comme étant ce qui distingue cette œuvre des autres. Ainsi, appliquée au logiciel, son originalité ressort de l’effort personnalisé de son auteur, au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. La matérialisation de cet effort réside dans une structure individualisée. En cas de litige, le juge statuera à partir de la définition contractuelle des termes employés par la loi, pour apprécier le délit de contrefaçon de logiciels. De ce fait, la licence d’un logiciel doit définir les contours du droit d’utilisation pour le consommateur, à savoir le nombre de postes équipés, nombre d’utilisations simultanées, type de matériel équipé, la destination des logiciels… Toutes ces conditions d’utilisation complexifient l’usage des licences mais sont nécessaires pour limiter les risques de contrefaçon et assurer à l’entreprise détentrice des droits d’obtenir réparation du préjudice en cas de contrefaçon.

 

La mise en place d’une stratégie proactive et offensive 

Afin de limiter au maximum le taux de piratage de logiciels, l’éditeur d’un logiciel fait face à de nombreux enjeux pour protéger sa propriété.

Pour commencer, les entreprises doivent prendre le temps de délimiter de façon très minutieuse le champ du contrat. Par ailleurs, certains logiciels d’application sont équipés de mouchards. Ces derniers doivent être notifiés dans le contrat à l’utilisateur. L’entreprise qui vend son logiciel doit informer le consommateur qui investit dans un logiciel équipé d’un dispositif de sécurité intégré dans le logiciel, qui permet à l’entreprise d’accéder à certaines informations. Cet avertissement préalable est nécessaire mais surtout, obligatoire. En revanche, quand la fraude est avérée, l’entreprise détenant la propriété intellectuelle sur le logiciel, détient également la liberté d’activer le mouchard sans obligatoirement en avertir l’utilisateur.

De nombreux organismes et institutions participent activement à la lutte contre la contrefaçon de logiciel. En juin 2013, l’AFNOR (organe de normalisation) sort la norme 19770-1 sur la gestion des actifs logiciels SAM (Software Asset Management). Elle permet de régir la gestion des logiciels rendant plus transparents les relations entre les clients et l’éditeur du logiciel.

Néanmoins, une difficulté particulière se fait ressentir dans les pays européens. La France notamment, fait partie intégrante d’une union entre pays, régie par des directives. Par conséquent, il est plus difficile d’accorder tous les pays de l’Union Européenne sur une décision commune concernant la réglementation de la gestion des logiciels. L’Office EUIPO, office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle s’est vu confier l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage créé en 2009. Il réunit des experts publics et privés qui collaborent entre eux pour lutter contre la contrefaçon de logiciels à échelle européenne. En réunissant des éléments de preuves, ils contribuent à fournir des données fondées pour permettre aux décideurs européens d’élaborer des réglementations efficaces sur le droit de la propriété intellectuelle. De plus, par le biais de campagnes de sensibilisation, l’Observatoire communique auprès des pays européens sur les risques et les conséquences financières pour les entreprises et l’État, d’une contrefaçon de logiciel. En dehors de cet Observatoire, d’autres instituts indépendants participent activement à cette lutte. L’Agence pour la Protection des Programmes est un organisme européen spécialisé dans la protection des logiciels et autres données informatiques et répond à toutes les questions relatives à ces risques, pour les utilisateurs.

 

Une menace dualiste : entreprise et consommateur  

Hormis l’avantage du faible coût d’un logiciel contrefait, ce dernier représente une menace à la fois pour les entreprises de l’industrie du logiciel mais également pour le consommateur. En effet, d’une part, ce dernier prend le risque d’acheter son logiciel sur un site piraté et a peu de chance de recevoir sa commande. Du moins, la médiocrité du produit ne rendra pas plus intéressant son investissement. D’autre part, aucun recours en justice ne lui sera possible.

Ces utilisateurs piégés peuvent perdre confiance dans les vrais sites marchands et engendrer ainsi un risque réputationnel. Par conséquent, cette prise de risques représente également une menace importante pour toutes les entreprises de l’industrie du logiciel. Cette baisse de confiance des consommateurs dans les sites internet engendre de facto une baisse de l’activité du secteur. Indirectement, cette concurrence déloyale impacte fortement l’activité de cette industrie. En effet, en France, en 2007, le taux de piratage des logiciels s’élevait à 42 %, soit un manque à gagner pour les entreprises de 1,77 milliard d’euros.

Les fabricants de logiciels informatiques sont également confrontés à un risque commercial. Alors que ces derniers sont censés faire remonter la productivité de l’entreprise, ils peuvent parfois devenir des vecteurs d’infection. Selon une étude de la BSA, la contrefaçon de logiciel coûterait plus de 46 milliards de dollars à l’industrie. En France, le taux de logiciels non conforme est de 32 %. Malgré les nombreux moyens de lutte contre la contrefaçon de logiciel qui se développent, les pirates arrivent toujours à innover. Il devient donc extrêmement difficile et coûteux pour les entreprises de lutter efficacement contre cette fraude. Renforcer la sécurité des systèmes informatiques des entreprises et des logiciels, créer des directions spécialisées dans la lutte contre la contrefaçon, une étroite collaboration avec les services douaniers ou les services de renseignements et de la justice…. Tous les moyens sont bons pour lutter contre le piratage de logiciels qui met chaque jour notre industrie en péril.

 

Pauline Antoine pour le Club Risques de l'AEGE

 

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