Cinq mois après l’adoption de l’Inflation Reduction Act par les États-Unis, les institutions européennes, craignant les délocalisations massives de leurs entreprises, dévoilent leur projet de réponse.
Dans la continuité de ses annonces au Forum de Davos, la présidente de la Commission européenne a dévoilé mercredi 1er février les modalités de la réponse européenne à l’Inflation Reduction Act (IRA), le plan américain de 369 milliards de dollars de subventions industrielles annoncé à l’été 2022.
Cette stratégie était vivement attendue par les industriels européens qui, déjà fragilisés par la pandémie de Covid-19 et par la crise énergétique, subissent depuis plusieurs mois les effets de la concurrence américaine. Le secteur automobile, notamment, est particulièrement révélateur des mécanismes de délocalisation et de désindustrialisation européens à l'œuvre depuis l’annonce de l’IRA. L’Europe est en effet responsable de plus d’un quart de la production mondiale de véhicules électriques, mais ne maîtrise géographiquement que 20 % de la chaîne d’approvisionnement. En subventionnant uniquement les produits assemblés aux États-Unis, l’IRA pénalise donc non seulement les produits européens, mais également les entreprises européennes installées aux États-Unis ayant des chaînes d’approvisionnement délocalisées. Aussi, l’annonce américaine a provoqué de nombreuses réactions chez les industriels européens : le fabricant suédois de batteries pour véhicules électriques Northvolt a préféré les États-Unis à l’Allemagne pour l’installation d’une nouvelle usine, Volkswagen a choisi d’investir 7 milliards de dollars dans la production de SUV au Tennessee, BMW 1,7 milliard dans son usine de Caroline du Nord et Tesla aurait également annoncé sa volonté d’intensifier ses activités aux États-Unis et mis en pause son projet de construction d’une usine de batteries en Allemagne.
Pour enrayer cette dynamique et contrer le choc industriel, qui touche en particulier les industries énergivores (ex : aluminium), le plan industriel pour un « Pacte vert » – proposé par la présidente de la Commission – tend à relancer l’activité et préserver l'attractivité du marché européen.
Sur le court terme, la Commission européenne souhaite, entre autres, assouplir les mécanismes d’aides d’État jusqu’en 2025 en élargissant son cadre aux sources d’énergies renouvelables et réaffecter les fonds des programmes RepowerEU, InvestEU ou encore du fonds pour l'innovation. Le budget total serait donc de 390 milliards d'euros. Pour pérenniser le dispositif, de nouveaux moyens seront nécessaires sur le long terme explique Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne envisage donc, d’ici l’été 2023, de constituer un fonds européen de souveraineté, une demande émanant notamment de la France. Sur le volet de l’attractivité, le plan prévoit de stimuler les investissements au sein de l’UE en permettant aux États membres d’égaler les subventions offertes par la concurrence hors Europe : « Si une entreprise se voit offrir 1 milliard de dollars par un pays tiers pour soutenir, par exemple, une nouvelle usine de batteries, un Etat membre pourrait offrir la même chose jusqu'au déficit de financement ».
Le Conseil européen extraordinaire – des 9 et 10 février prochains – chargé d’en discuter sera décisif. Les mesures proposées étant loin de faire l’unanimité, les débats s’annoncent mouvementés. À ce titre, les ministres des finances finlandais, tchèque, danois, estonien, irlandais, autrichien et slovaque ont récemment adressé une lettre au commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, afin d’exprimer leurs craintes quant aux conséquences d’un assouplissement des aides d’État : la compétitivité européenne « ne peut se construire sur des subventions permanentes ou excessives non ciblées », qui donneraient lieu à une « concurrence néfaste […] préjudiciable à l’UE dans son ensemble », écrivent-ils. Pour la France, il s’agira d’envoyer « un signal aux entreprises pour les rassurer sur la détermination de l’UE à préserver et à renforcer l’attractivité du territoire européen ».
Clémence Mesnil pour le club Europe de l’AEGE
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