Alors que le rapport d’activité annuel de la Direction générale des entreprises vient d’être publié, les chiffres sont sans appel : l’an passé, près de 600 menaces étrangères visant les entreprises françaises ont été décomptées par le ministère de l’Économie et des Finances. Un bilan nettement supérieur à 2021, qui alerte sur la dynamique prédatrice ciblant les acteurs économiques français.
Le 18 janvier 2023, la Direction générale des entreprises (DGE) a publié son traditionnel rapport d’activité annuel, permettant d’établir le panorama des menaces qui pèsent sur le tissu industriel français. Force est de constater que l’année 2022 aura connu le nombre le plus élevé de menaces à l’encontre des entreprises stratégiques tricolores – depuis la mise en place du dispositif de suivi – avec 588 détections, soit plus que sur l’ensemble de l’année 2021. Parmi les menaces repérées par le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), une grande majorité concerne l’acquisition d’entreprises par des sociétés étrangères (40 %) ainsi que la « prédation de technologies et de données sensibles » (40 %).
Un ensemble de mesures est aujourd’hui actif afin de doter la France d’une capacité économique souveraine et résiliente. Durant la pandémie de Covid-19, un contrôle renforcé sur les investissements étrangers avait, par ailleurs, été instauré dans une volonté de protéger les entreprises sous stress économique. Il imposait aux investisseurs étrangers non-européens de déclarer à l’exécutif leur intention de racheter une entreprise stratégique (sécurité et défense nationale, énergie, transports, télécommunications, presse, technologies critiques, etc.) dès le seuil de 10 % des droits de vote atteint, contre 25 % auparavant (loi Pacte). Après un examen approfondi du ministère, ce dernier se réservait la possibilité de bloquer l’opération s’il l'estimait contraire aux intérêts français.
Reconduit en 2021, le gouvernement a récemment confirmé le maintien définitif de ce contrôle renforcé, témoignant de la volonté d’instaurer « une nouvelle politique industrielle qui défend mieux nos intérêts ». Ce dispositif a fait ses preuves et a ainsi rendu possible la détection de « 30 à 50 nouvelles alertes de sécurité économique chaque mois depuis la crise sanitaire ». Des chiffres conséquents, qui illustrent l’environnement prédateur dans lequel s’inscrit l’action de certaines entreprises étrangères.
Au-delà de la multiplication des menaces, le renouvellement de ce dispositif semble également se positionner en réaction au protectionnisme croissant des États-Unis et à l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA), en août 2022. Débloquant 369 milliards de dollars de soutien aux entreprises investissant pour le climat sur le sol américain, cette loi fait craindre, entre autres, une délocalisation massive des sociétés européennes. Elle implique également un fort accroissement des capacités de fusion-acquisition de ses bénéficiaires, au détriment d’autres marchés géographiques (Europe, Asie, etc.). Elle avait vivement fait réagir dans le Vieux Continent, notamment à Paris et Berlin, qui avaient alors réclamé à la Commission européenne un assouplissement des subventions publiques pour leurs entreprises stratégiques.
Cependant, si le maintien de ce contrôle renforcé sonne comme la continuité de la prise de conscience de l’exécutif face à l’avidité des sociétés étrangères, il n’en est pas moins d’une efficacité qui reste à démontrer. En témoigne le récent rachat de l’entreprise Exxelia par l’américain Heico, alors même que ses composants électroniques stratégiques se retrouvent à bord du lanceur Ariane 6, de l’Airbus A350, des sous-marins Barracuda, des constellations de satellites (Galileo, Oneweb), ou encore du Rafale.
Sixtine de Faletans
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