La filière de l’hydrogène a le vent en poupe au sein de l’Union Européenne. Symbole de cette dynamique, Mme Marques, cheffe d’unité de la politique sur les énergies renouvelables et le CCS (Carbone Capture and Storage) auprès de la Commission européenne, a annoncé l’inscription à faible teneur en carbone de la production d’hydrogène par électrolyse de source nucléaire (dit hydrogène jaune). Cette déclaration vient compléter le vide du plan de développement annoncé en juin dernier par la Commission sur la question.
La nouvelle ne surprend pas forcément si l’on se rappelle les propos du ministre de l’Économie Bruno Lemaire qui a annoncé en juin dernier la volonté française d’un partenariat avec l’Allemagne pour développer la filière hydrogène. En moins de 6 mois, ces deux déclarations démontrent la volonté commune des deux pays moteurs de la construction européenne de faire de l’hydrogène autant un des axes de la relance économique européenne, que de la décarbonation prévue par les accords de Paris sur le climat. Ces annonces sont un bol d’air pour la filière nucléaire française qui, quarante ans après le plan Messmer, cherche un second souffle. D’une part du fait des multiples interrogations du secteur concernant la sureté et le stockage des déchets radioactifs. Mais aussi en raison du surcoût en temps et financier du démantèlement des réacteurs dépassant le seuil prédictif de 10% à 15% du coût de production. Les perspectives financières du marché de l’hydrogène pourraient être déterminantes afin d’assurer la pérennité du nucléaire français. Les propos de la représentante de la Commission expriment également un signal fort de l’influence française au regard de la focalisation de la stratégie allemande sur l’hydrogène vert, qui porte un regard critique sur la stratégie française d’hydrogène jaune. Ce tournant pour le nucléaire est à mettre en parallèle avec le plan d’investissement de la France de 7 milliards d’euros dans la filière de l’hydrogène. Cela démontre l’ambition de l’État d’installer les entreprises françaises comme des acteurs majeurs du secteur. À la clé, un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros pour la France d’ici 2030 selon une étude prospective du marché de l’hydrogène. A ce titre, le secteur de l’hydrogène risque d’être sujet de tension pour la France. En interne, une partie du lobby vert réfute la communication du gouvernement et continue de dénoncer la combinaison du nucléaire et de l’hydrogène comme fausse bonne solution. En externe, le Japon, leader actuellement sur l’innovation, sans oublier les États-Unis qui dès 2003 ont lancé un programme de recherche sur l’hydrogène jaune et la Russie dont l’objectif est d’exporter 200 000 tonnes d’hydrogène d’ici 2024. Cette concurrence sera également présente au sein même des pays membres de l’UE où 14 états membres ont inscrit l’hydrogène dans leur plan de relance économique. À titre de comparaison, l’Espagne a annoncé un plan à 8,9 milliards d’euros tandis que l’Allemagne fait un pari à 9 milliards. |
Pierre Coste |
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