Le 28 novembre dernier, le général Antoine Creux, directeur de la sécurité du groupe Société Générale, a fait l’honneur à l’AEGE de donner une conférence sur les enjeux de sécurité et de sûreté d’un grand groupe bancaire français. Quel est son rôle au sein de l’entreprise ? Quelles solutions a-t-il adoptées pour prévenir les menaces propres à chacun des pays dans lesquels le groupe est présent ? Comment la Société Générale a-t-elle su gérer ses actifs en Russie depuis l’invasion en Ukraine ?
“Il faut réaliser ses rêves” commence le général qui a servi sous les drapeaux pendant 38 années, marquées par les situations de crise. Des projections d’urgence lorsqu’il était pilote de chasse sur Mirage 2000 aux postes à très hautes responsabilités, Antoine Creux dispose d’une très forte expérience opérationnelle. Sans être issu d’une famille militaire, c’est par passion qu’il s’est engagé dans l’armée de l’Air. Aujourd’hui c’est son intérêt pour les questions internationales et son désir de rester en situation de responsabilité qui l’ont amené à devenir directeur de la sécurité de la Société Générale. Sa capacité à gérer les crises et son expérience de directeur de la Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD) – actuelle DRSD – lui permettent aujourd’hui d’assurer ses fonctions au sein de son groupe.
Le rôle d’un directeur de la sécurité est comparable à celui d’un banquier qui doit évaluer les risques avant de prêter de l’argent à une personne. Il convient de juger toutes les menaces et de prendre les mesures idoines pour en diminuer les effets, et permettre le bon développement de son entreprise tout comme la bonne application des mesures de sécurité de ses collaborateurs. Par exemple, la Société Générale qui est particulièrement implantée en Afrique prend en considération trois risques majeurs pesant sur ses filiales : le terrorisme qui croit quotidiennement, l’instabilité politique qui est à mesurer en fonction de chaque pays, et la montée du sentiment antifrançais qui peut avoir un impact direct sur la sécurité des entreprises et des expatriés.
La réponse du directeur de la sécurité face aux risques est l’anticipation, c’est-à-dire avoir la capacité à prévenir une crise et à adopter les bonnes mesures pour en diminuer les effets. Pour cela, il est nécessaire de cultiver sa capacité de résilience et sa connaissance des nouvelles formes de risque. En effet, la politique de l’autruche n’a pas sa place en intelligence économique. Ainsi, les entreprises et leurs collaborateurs doivent être préparés à tous les types de situation. À cet effet, la sûreté d’un groupe comme celle de la Société Générale met en place des outils de veille, de cartographie des acteurs d’une région et des systèmes d’information et de communication, créé des exercices de gestion de crise – plus d’une vingtaine en un an à la SG – pour entraîner chacun des niveaux décisionnaires, et établit une stratégie dépassant la vision à court terme. Cette stratégie se traduit par la définition de modes d’action répondant à une situation donnée. L’enjeu pour l’entreprise est d’éviter la surprise stratégique et de connaître la méthode par laquelle elle réagirait face à un événement majeur. Ainsi et pour éviter les conséquences désastreuses de l’immédiateté, elle doit établir une doctrine et la diffuser en formant et en entraînant le personnel de la société.
Pour le général Antoine Creux et ses équipes, l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février n’a pas été une surprise stratégique car cette éventualité avait été étudiée et des modes d’action avaient été préparés. L’enjeu était de taille pour le groupe bancaire. La Société Générale, au travers de sa filiale Rosbank, comptait deux millions de clients qui avaient accordé leur confiance à la banque. Le risque juridique était immense face à la pression imposée par le président Vladimir Poutine sur les collaborateurs qui auraient mis en œuvre les sanctions européennes. Ensuite, le lien entre les systèmes d’information avec Rosbank présentait un risque cyber important notamment pour le vol de données. Enfin et à l’instar de TotalEnergies, la direction générale était soumise à la préservation de l’image du groupe face aux attaques réputationnelles pouvant être engagées par l’opinion publique, les médias ou les ONG.
Sous l’angle de l’intelligence économique, l’objectif stratégique du groupe était de décider de l’issue la plus adaptée au dilemme principal : soit vendre une banque bien portante – aux standards occidentaux – y compris à très bas prix, soit ne pas vendre pour empêcher la Russie de mettre la main sur une filiale française à haute valeur ajoutée mais avec un coût du risque très élevé pour les années à venir.
Aujourd’hui, le général Creux estime que la Société Générale a su trouver en temps contraint les meilleures solutions à cette crise grâce à des méthodes et études éprouvées en amont de son déclenchement, tout en sauvegardant les intérêts du groupe.
Club Sûreté de l’AEGE
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