Meta, maison-mère de Facebook, a été condamné par la Data Protection Commission irlandaise (DPC) le 4 janvier 2023 à une amende de 390 millions d’euros pour non-respect des mesures RGPD. Un événement non-isolé, qui s’inscrit dans le cadre d’une tendance européenne à davantage sanctionner les acteurs économiques américains.
À l’origine de cette amende se trouve le traitement des données proposé par Facebook, Instagram et Whatsapp, les réseaux sociaux développés par Meta Platforms, Inc. En effet, il est stipulé dans le Règlement européen de Protection des Données Personnelles (RGPD) que l’utilisateur doit pouvoir donner un consentement « libre, spécifique, éclairé et univoque » à la collecte de données personnelles. Or, dans le cas de ces trois applications, le consentement figure dans le contrat d’utilisation, ce qui signifie que la collecte et l’utilisation commerciale des données sont obligatoires pour l’usage des services proposés. La CPD a donc condamné Meta pour le non-respect du RGPD par Facebook et Instagram, avant de prononcer la sanction infligée à Whatsapp.
Cette condamnation n’est pas un cas unique puisque les sanctions de multinationales américaines se font de plus en plus récurrentes, mais aussi car celles-ci sont de plus en plus coûteuses. Depuis septembre 2021, la DPC a procédé à cinq condamnations : 225 millions d’euros en septembre 2021, respectivement 17 millions, 405 millions et 265 millions d’euros en mars, septembre et novembre 2022, et 390 millions d’euros en janvier 2023, sans prendre en compte le montant pour Whatsapp, encore non-déclaré. Il se dessine ainsi une prise en compte beaucoup significative des enjeux de protection de données – 13 enquêtes sur Meta seraient actuellement ouvertes par la DPC -, et des sanctions qui se veulent de plus en plus dissuasives. En comparaison, la sanction la plus importante infligée par la justice américaine dans le cadre de l’extraterritorialité du droit américain s’élève à 1,2 milliards d’euros en novembre 2018 – amende imposée à la Société Générale pour n’avoir pas respecté les sanctions américaines appliquées à Cuba, au Soudan et à l’Iran.
Si la DPC apparaît comme l'initiatrice des enquêtes et condamnations de Meta, cette tendance semble être davantage européenne. Ainsi, la commission irlandaise avait originellement suggéré une amende de maximum 36 millions d’euros, avant de réviser son jugement suite aux exigences de ses homologues européens, notamment la Commission nationale de l’informatique et des libertés française (CNIL) qui considérait ce montant bien trop léger. De plus, avec la mise en place du Digital Services Act le 16 novembre 2022, Meta devra changer son modèle juridique mais aussi économique, car des sanctions plus onéreuses sont à anticiper. Or, l’Europe est un marché trop indispensable pour que des efforts importants ne soient pas réalisés. En effet, sur les 27,714 millions de dollars US générés par Meta au troisième trimestre 2022, l’Europe représentait 5,797 millions de dollars US, soit presque 21 % des revenus de la multinationale américaine.
Cette vague de sanctions n’est pas sans conséquences pour Meta, dont le business model fondé sur les publicités ciblées s’effondre. En plus des sanctions répétitives et coûteuses, Meta doit faire face à une concurrence toujours plus féroce, notamment avec Amazon, Apple et Tiktok : en 2022 Google et Meta représentent moins de 50% des parts de marché de la publicité en ligne, alors qu’ils en étaient les leaders incontestés. Ainsi, l’émergence d’un marché encore plus compétitif et d’une régulation européenne davantage proactive astreignent la multinationale américaine à devoir repenser consciencieusement son modèle commercial. Il apparaît alors intéressant de s’interroger sur l’importance du metaverse dans l’élaboration de ce nouveau modèle.
Stévan Purrini
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