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La législation européenne se muscle pour contrer la puissance des GAFAM.

Ce jeudi 24 mars fera date dans la régulation des plateformes numériques et mettre fin aux pratiques d’abus de position dominante des GAFAM. Cantonnée jusqu’ici aux amendes, l’Union européenne semble prendre un nouveau virage grâce à une série d’obligations et d’interdictions dans le cadre du Digital Market Act, permettant ainsi de répondre rapidement aux pratiques anticoncurrentielles déployées par les géants du numérique.

C’était une proposition phare de la présidence française de l’Union Européenne. Dans l’air du temps depuis quelques années, l’Union européenne a affiché dès 2018 sa volonté de lutter contre la puissance des GAFAM et contre leur pouvoir normatif dans le numérique. Difficile à mettre en œuvre face à la puissance des lobbys déployés dans les institutions européennes, la régulation de l’économie numérique deviendra concrète en janvier 2023 avec l’application du Digital Market Act (DMA). Le Conseil et le Parlement sont parvenus jeudi à un accord politique provisoire sur la loi, qui sera suivi d’un texte final dans les prochains jours.  

Le DMA définit des règles claires pour éviter que les grandes plateformes en ligne  n’agissent comme un « gatekeeper » auprès d’un grand nombre d’utilisateurs et qu’elles n’abusent de leur position au détriment des entreprises concurrentes. Dans l’actualité récente, OVH demande par exemple des comptes à Microsoft devant la Commission européenne et l’accuse pour abus de position dominante à travers 365 et son service cloud Azure.  

Ce texte se veut en réponse à la puissance des GAFAM américains et BATX chinois sans pour autant constituer un frein pour les acteurs européens. Ainsi, pour qu’une plateforme puisse être qualifiée de gatekeeper, elle devra réaliser un chiffre d'affaires d’au moins 7,5 milliards d’euros dans l’UE au cours des trois dernières années et être valorisée en bourse à hauteur de 75 milliards d’euros pour un total de 45 millions d’utilisateurs par mois.  

Le DMA va aussi mieux protéger les utilisateurs, les obligeant à donner leur consentement pour le croisement de données issues de plusieurs services en ligne à des fins de profilage publicitaire. Il empêchera d’imposer des logiciels préinstallés sur les ordinateurs ou les téléphones, comme des navigateurs ou des applications musicales, et facilitera le recours à des produits alternatifs en limitant la distorsion de la concurrence par les géants du numérique. 

Le Parlement européen a aussi obtenu que soit ajoutée l’interopérabilité des services de messagerie qui permettra par exemple à un utilisateur de Signal de communiquer avec un contact utilisant WhatsApp (Meta). Des amendes pouvant atteindre jusqu’à 10 % des ventes mondiales sont prévues en cas d’infraction, et même 20 % en cas de récidive. 

Pour Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, l’UE met en place « des obligations applicables immédiatement, des délais courts et stricts (pour corriger les fautes éventuelles) et des sanctions dissuasives ».  

C’est une belle victoire législative pour l’UE, ce texte remet au cœur du projet européen la protection des données européennes. De plus, au même titre que le RGPD qui connaît des traductions nationales à travers le monde – Japon, Canada, Brésil ou certains États américains – le DMA est un texte ambitieux pouvant inaugurer une limitation de la puissance des géants du numérique à travers le monde, faisant de l’UE une puissance normative.  

 

Arnaud Sers

 

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