La Turquie abandonne les « erdoganomics » pour sauver la livre

Le Président Erdogan refuse depuis deux ans de contrer une inflation galopante par une hausse des taux d’intérêt. À rebours de la théorie économique classique, cette politique nommée « erdoganomics » qui a conduit à un quasi-effondrement de la livre turque depuis 2017 vient de prendre fin, mais ne devrait pas pour autant ralentir les ambitions turques en méditerranée orientale.

Pour préserver une popularité déclinante selon le quotidien Birgün, Erdogan pourrait chercher à substituer la déroute des "erdoganomics" à des victoires en politique extérieure. Le Président turc, qui vient de concéder une hausse des taux pour sauver la livre ne peut se permettre de perdre de nouveau en légitimité. Par conséquent, abandonner la conquête des gisements gaziers que la Turquie convoite en méditerranée orientale semble difficilement envisageable. La manne financière que ces gisements représentent est l’opportunité de diminuer l’exposition de la Turquie à l’endettement étranger, et plus particulièrement européen. Allégé du poids de cette dette, Erdogan aurait la voie libre pour poursuivre ses ambitions panturques.

La décision de la banque centrale turque, acceptée à reculons par Erdogan, pour contrer une inflation de 12% a été agréablement accueillie par les marchés. La crise de confiance dans la livre, provoquée par les "erdoganomics", est pour l’instant de l’histoire ancienne aux vues de la récente appréciation de la devise turque. Néanmoins, les dégâts économiques infligés par cette hausse des taux aux ménages les plus modestes pourront motiver un retour prochain aux "erdoganomics"; Erdogan ayant déjà renoncé une première fois à sa politique économique au début de l’année 2018 pour les mêmes raisons. À l’époque, cette hausse des taux qui n’était pas sans lien avec les menaces de sanctions américaines avait été suivie d’une escalade militaire en Syrie.

Récemment, la récession provoquée par la pandémie expliquait la réticence d’Erdogan de toucher à la solvabilité des ménages et des entreprises turcs en augmentant les taux. Cependant, la sublime porte a été contrainte de trancher en faveur d’un sauvetage de la livre, notamment pour des raisons d’endettement (65% de la dette privée était libellée en monnaie étrangère en 2019), ce qui ne manque pas d’entacher la crédibilité du président .

Dans cette affaire, l’Europe et plus encore la France sont des boucs émissaires idéaux pour le président turc. Ce dernier, protecteur du peuple, pourra accuser les Européens de priver la Turquie de l’accès aux hydrocarbures méditerranéens et de faire barrage aux revendications légitimes de la Turquie.

 

Julien Cossu

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