Dans son rapport du 1er mars, Bain Company, cabinet international de conseil en stratégie, dévoile les coulisses de la fusion-acquisition mondiale et ses enjeux stratégiques au sein d’un nouveau paradigme où les enjeux de souveraineté se jouent sur fond de haute tension concurrentielle. L’année 2020 a notamment été marquée par l’intervention des États, le cas de l’achat de Tiffany par LVMH ou encore du veto pour le rachat de Photonis par Teledyne sont des exemples marquants.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le M&A (Mergers & Acquisitions) a tenu le cap. Comme le précise Bain Company, les premiers mois de la pandémie ont vu les activités de “fusacq” s’arrêter complètement. Mais la deuxième partie de l’année en revanche a été marquée par un rebond, cumulant la valeur totale des 28,500 deals conclus à 2,5 trillions de dollars. Le secteur du digital, des télécommunications notamment a sans surprise dynamisé le secteur. La “tech” représentait ainsi 81% des deals de l’année 2020. Les habitudes de consommation ont changé, et l’étude d’EY sur cette mutation va dans le sens de ce nouveau virage.
Le rachat entre autres de Slack, l’application de messagerie instantanée, par l’éditeur de logiciel Salesforce pour un montant de 27,7 milliards de dollars, ou de BlueJeans, concurrent majeur de Zoom, par Verizon, confirme la tendance actuelle. L’hyperactivité du secteur des TMT (Technologies, Médias et Télécommunications) dicte ainsi les valorisations avec une moyenne de 13 à 14 fois l’EBITDA (résultats d’exploitation). Le coût du capital des entreprises du secteur étant généralement faible, leurs valeurs de croissance en sont ainsi décuplées, faisant monter les enchères, et de facto la concurrence. La nature très technologique du marché a également poussé les États à aller au-delà de ses simples interrogations habituelles. Bain parle bien de nouveaux questionnements en mentionnant les intérêts nationaux, la confidentialité des données ou encore l’impact futur sur la compétitivité. C’est ainsi que l’Allemagne s’est dotée pendant l’année de nouvelles régulations pour bloquer des OPA (Offre Publique d’Achat) étrangères dans le secteur de la santé. Le gouvernement britannique lui a décidé de protéger 20 secteurs d’industries jugés d’intérêt national, dont la défense et l’intelligence artificielle.
La France quant à elle essaye de prendre ses précautions, comme indiqué par le cabinet Winston & Strawn, le Ministère de l’économie a abaissé le seuil de contrôle des prises de participation d’investisseurs étrangers à 10% contre 25% précédemment. Si le veto de l’Etat dans le dossier de rachat de Carrefour par Couche-Tard reste surprenant, la France a su protéger un secteur stratégique, “la souveraineté de la France ne s’oppose pas à son attractivité”. De nombreux projets américains et asiatiques sont en cours, confirmant une meilleure attractivité française, qui se confirme dans les chiffres depuis 2017.
Sofiane BOURZOUFI
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