La proposition américaine d’un taux d’imposition minimum mondial des sociétés, un atout européen ?

Depuis l’introduction du gouvernement Biden, la question de la concurrence fiscale est au cœur du débat politique américain. A l’approche du G20, le gouvernement Biden par la voix de sa secrétaire au Trésor des Etats-Unis, Janet Yelen a posé sur la table des négociations la création d’un taux minimum mondial d’imposition sur les sociétés.

Conscient du besoin d’amortir son plan de sauvetage américain à 1900 milliards de dollars et de financer son plan de relance à 2000 milliards de dollars, le président Biden mise sur la compétitivité de ses entreprises pour alimenter sa révolution économique en investissant massivement des fonds publics dans les entreprises. Une grande partie du plan, par exemple, consiste en un don massif aux entreprises privées. La proposition comprend 300 milliards de dollars pour promouvoir la fabrication de pointe, 174 milliards de dollars pour les véhicules électriques, 100 milliards de dollars pour le haut débit, 100 milliards de dollars pour l'industrie des services publics d'électricité… Mais cet investissement massif ne fait pas que des heureux dans le camp de l’opposition analysant cela comme un “copinage industriel”.

Pour financer cela, l'harmonisation mondiale de la fiscalité des entreprises est privilégiée par l'administration américaine. Cette proposition a déjà trouvé un allié en Allemagne au travers des déclarations du ministre des Finances Olaf Scholz. Si cela venait à se concrétiser, il s’agirait d’une véritable révolution pour l’économie mondiale, bien loin structurellement d’avoir établi une concurrence pure et parfaite tel que le modèle libéral a pensé le marché. L’Europe face aux réalités de la guerre économique engendrée par le comportement des acteurs économiques n’a jamais su obtenir de garanties. Le principe juridique de la concurrence libre, loyale et non faussée n’ayant jamais, malgré l’appui doctrinaire de l’Organisation Mondiale du Commerce, réussi à s'imposer.

Conscient de la réticence qu’engendre sa proposition, le président des USA mise sur la dimension éthique pour  obtenir un accord. Pour les Etats-Unis cette proposition a pour atout de rétablir un contrôle fiscal sur les «51 ou 52 groupes» parmi les 500 plus riches «qui n’ont pas payé un seul centime d’impôt depuis trois ans» selon le président Biden.

Pour l'Europe, elle est un argument de taille et source de négociation pour établir une taxe pour les GAFAM, qui jusque-là face à l’administration du précédent président américain ne laissait subsister que peu d’espoirs. D’autant plus que, l’accord entre l’Union Européenne et la Chine sur les investissements étrangers oblige Washington à repenser leurs rapports avec les membres du marché intérieur européen. Une aubaine pour certaines économies européennes faisant face aux montages fiscaux, tel que le double irlandais. Il ne reste pas moins qu’au sein de l’Europe le consensus risque d'être complexe à obtenir. Le modèle fédéral américain a, contrairement au modèle européen qui peine à se définir entre fédéralisme et souverainisme, l'avantage de faciliter les processus de décision. L’Irlande ayant pour moteur de son modèle économique la faiblesse de son taux d’imposition des sociétés (12% le plus faible d’Europe), opère depuis quelques années une guerre économique contre les autres membres de l'union. La solution à ce problème pourrait donc venir d'outre-atlantique et serait un camouflet pour les fédéralistes de l'Union

 

Pierre Coste

 

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