Chips Act : l’Union Européenne veut développer son marché aux puces

Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a esquissé les contours du plan de la Commission pour développer la souveraineté européenne dans la production mondiale de puces. Cette annonce d’un plan d’investissement “équivalent à ce que les États-Unis veulent investir”, soit 40 milliards d’euros, intervient sur fond de tensions à propos de la chaîne d’approvisionnement mondiale de semi-conducteurs, dont 75 % des capacités de fabrication sont concentrées en Chine et en Asie de l’Est.

Alors que l’Europe disposait dans les années 1990 d’environ 40 % de la production de ces biens intermédiaires stratégiques, sa part a depuis été divisée par quatre. Cette baisse s’explique notamment par la volonté des acteurs européens de se concentrer sur la conception au détriment de la production, massivement sous-traitée à des acteurs comme le taïwanais TSMC ou le sud-coréen Samsung. Ainsi, en 2021, 92 % de la production des puces les plus avancées (inférieures à 10 nanomètres), était concentrée à Taïwan.

Face aux pénuries liées à l’épidémie de COVID-19 et à la hausse de la demande mondiale due à la numérisation des économies, les États-membres de l’Union européenne semblent avoir pris conscience de la dépendance de nombreux secteurs de leurs industries (automobile, santé, aéronautique, etc.) à ces biens intermédiaires stratégiques. Ainsi, le Chips Act, qui sera dévoilé le 8 février prochain, vise à restaurer les capacités européennes de fabrication de semi-conducteurs, avec la volonté affichée par Thierry Breton d’être “leader sur les prochaines générations de puces de moins de cinq nanomètres, voire de moins de deux nanomètres”. 

Pour atteindre ces objectifs, la Commission européenne cherche à mobiliser les entreprises et laboratoires européens au travers de partenariats et subventions, en s’appuyant sur des acteurs majeurs de la chaîne de production, comme le franco-italien STMicroelectronics ou le néerlandais ASML. Ce double effort devrait être porté par des fonds européens, mais aussi par les aides des États-membres, à l’image de la France, qui souhaite déroger aux règles de la concurrence européenne et pouvoir subventionner directement les industries stratégiques.

Pour changer la donne dans un domaine aussi concurrentiel que les semi-conducteurs, l’Europe devra faire preuve de constance, de stratégie et surmonter des obstacles majeurs. En effet, d’après Les Echos et le Semi (organe représentatif des professionnels des semi-conducteurs à l’échelle mondiale), l'ensemble des entreprises du secteur a dépensé 90 milliards de dollars en 2021 et devrait en dépenser 100 milliards en 2022, avec notamment l’ouverture de 30 nouvelles usines. Les entreprises européennes seront-t-elles capables de rivaliser, à l’heure où TSMC annonce investir 100 milliards de dollars à elle seule en trois ans ?  Outre le fait que les États-Unis affichent leur volonté d’investir agressivement dans la production de semi-conducteurs, comment préserver ses capacités et développer une stratégie cohérente alors que des fonds chinois comme UnitySC ou Wise Road Capital tentent de faire des acquisitions d’entreprises stratégiques ?

 

Gabriel Mouchès

 

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