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Investissement d’ArcelorMittal dans les nouvelles technologies nucléaires : quelle stratégie française ?

Ce vendredi 4 novembre 2022, ArcelorMittal a annoncé avoir investi 25 millions de dollars dans TerraPower, une société américaine spécialisée dans le développement de technologie nucléaire. À l’aune de cette prise d’intérêt, la question du positionnement français sur les nouvelles technologies nucléaires, notamment les Small Modular Reactor (SMR), est plus que jamais d’actualité.

À l’occasion d’une seconde augmentation de capital culminant à 830 millions de dollars, les investisseurs s’affairent autour de la nouvelle curiosité de Terrapower : un réacteur nucléaire à sels fondus baptisé Natrium. Parmi les intéressés, on compte notamment SK, l’un des plus importants fournisseurs d’énergie de Corée du Sud et dont la participation s’élève à 250 millions de dollars, mais aussi le Département de l’Énergie des États-Unis, qui subventionne le projet à hauteur de 8,6 millions de dollars.   

 

En cours de développement avec la collaboration de GE Hitachi Nuclear Energy, une branche de General Electric, ce réacteur de quatrième génération promet de créer de l’énergie décarbonée tout en générant d’importantes quantités de chaleur, qualités nécessaires à l’activité d’industriels comme ArcelorMittal. Le géant sidérurgique né en 2002 de la fusion d’Aceralia (Espagne), d’Arbed (Luxembourg) et d’Usinor (France), et deuxième producteur d’acier au monde, s’est donc joint à la longue liste des intéressés à travers son XCarb Innovation Fund, un fond destiné à financer des projets de rupture et projeter ses ambitions de décarbonation. 

Le changement de paradigme que ces nouveaux réacteurs réside notamment dans leur plus faible puissance, comprise en 25 et 500 MW, contre 900 MW pour les réacteurs civils et 1 600 MW pour le Réacteur Pressurisé Européen (EPR). C’est toutefois leur conception standardisée et donc leur installation en série qui tendent à baisser leurs coûts de construction et d’exploitation pour en faire de redoutables nouveaux entrants sur le marché.

C’est donc tout naturellement que ce type d’initiatives s’est vu intégré à la liste des dix priorités du plan d’investissement « France 2030 » étayé par le Président de la République à la mi-octobre. Pourtant, si la décarbonation du secteur industriel représente un enjeu politique et sociétal considérable, le développement de solutions nucléaires incarne peut-être surtout un levier économique majeur pour les États et leurs champions nationaux. Dès lors, quid des solutions françaises ?

 

Si le parc français de réacteurs civils lui permet une plus grande indépendance énergétique que ses voisins, la recherche et l’innovation ont pris du retard dans l’hexagone. Concentrant ses efforts sur l’export de l’EPR puis sur le développement de l’EPR 2, la France n’est entrée dans la course aux SMR qu’en 2017. Ce décalage vis-à-vis des pionniers de la discipline (Chine, Japon, Corée du Sud ou Canada), accéléré par l’implosion d’Areva en 2015 et la suspension d’une partie de la R&D en la matière, n’est pourtant pas irrattrapable.  

Le projet Nuward, sous l’égide du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), de TechnicAtome et de Naval Group et piloté par EDF en est l’exemple le plus évocateur. En développement depuis 2014, il devrait être commercialisé à partir de 2025 pour répondre aux besoins énergétiques autour de quatre axes cardinaux : la production d’hydrogène pour le transport, la cogénération de chaleur et d’électricité, le chauffage urbain et le dessalement d’eau de mer. 

 

Ailleurs, on étudie aussi la piste des SMR : Washington a annoncé la mise en place d’un système de certification pour son champion national Nuscale, en collaboration avec Ottawa. De même, la mise en chantier d’un SMR sur l’île de Hainan aspirant à alimenter 526 000 foyers a été officialisée par Pékin. Finalement, c’est Moscou qui possède la seule centrale à SMR actuellement en exploitation, l'Akademik Lomonosov. Mise en service en mai 2020 par Rosatom, cette barge flottante montée de deux réacteurs alimente Pevek, une ville isolée de Sibérie.

Profitant de décisions françaises stratégiques peu inspirées – conséquemment aggravées par le morcèlement d’Areva en 2015 –, de nouveaux acteurs internationaux ont ainsi pu, via une R&D soutenue sinon subventionnée, se positionner sur le marché des réacteurs nucléaires de quatrième génération. C’est dans ce contexte que le plan d’investissement « France 2030 » réaffirme les velléités françaises à développer une offre nucléaire durable. Toutefois, si la filière nucléaire revêt une dimension d’autonomie énergétique criante d’actualité, elle se doit aussi d’incarner une offre résolument adaptée aux acteurs industriels tels qu’ArcelorMittal.

 

Simon Renard

 

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