L’un des acteurs majeurs des semi-conducteurs européens, l’allemand Infineon Technologies, a annoncé ce lundi 14 novembre la construction d’une nouvelle usine pour 5 milliards d’euros. Située à Dresde, au cœur de la « Silicon Saxony », ce centre de production a pour but d’accroître les capacités industrielles du groupe. Il devrait entrer en service en automne 2026.
Le secteur des semi-conducteurs, qui pesait 595 milliards de dollars en 2021, est une industrie très gourmande en capitaux qui contraint la majorité des entreprises à se spécialiser dans une étape de la chaîne d’approvisionnement. L’acteur le plus connu, le taïwanais TSMC est ainsi une fonderie, c’est-à-dire qu’il grave des puces pour ses clients. À l’inverse, Infineon est un IDM – pour Integrated device manufacturer – soit une entreprise qui maîtrise toutes les étapes de la fabrication d’un semi-conducteur de sa conception à sa gravure.
Ce que le fabricant allemand décrit comme le « plus gros investissement de l’histoire » du groupe lui permettra à terme de renforcer ses capacités de production de tranches de silicium de 300mm de diamètre pour la production de semi-conducteurs. Ces tranches, appelées wafers dans l’industrie, sont les supports sur lesquels sont gravées les puces. Plus le diamètre du wafer est important, plus il peut accueillir des milliers de puces. Il est donc aisé de comprendre pourquoi investir dans cette étape de fabrication est primordial pour rester compétitif.
Si le montant annoncé a de quoi faire tourner la tête, il est néanmoins à relativiser. En effet, selon un rapport de la Semiconductor Industry Association, une usine de semi-conducteurs de pointe de capacité standard nécessite des dépenses d’investissement d’environ 5 milliards de dollars et le montant peut grimper jusqu’à 20 milliards de dollars pour la production des puces les plus avancées. À titre de comparaison, quelques jours avant l’annonce d’Infineon, TSMC avait annoncé construire une seconde usine dans son centre de production en Arizona. L’investissement total dans ce site s’élèverait à 12 milliards de dollars. Cet effort fait partie du plan d’investissements massifs de TSMC et vise à préparer les deux prochaines générations technologiques des nœuds de 3 et 2 nm, à augmenter les capacités de production des technologies actuelles avancées de nœuds de 7 et 5 nm et à accroître aussi celles des technologies matures à partir de 28 nm, comme celles utilisées dans l’automobile.
L’effort d’Infineon – qui est néanmoins à souligner – s’inscrit dans celui plus global du secteur au niveau européen. Cette annonce fait écho à la volonté d’autonomie stratégique incarnée dans le Chips Act annoncé par la Commission européenne en début d’année. Grâce à une enveloppe de 30 milliards d’euros, l’UE espère représenter 20% du marché mondial des semi-conducteurs d’ici à 2030 – alors qu’elle n’en représente que 8,5% aujourd’hui. Compte tenu du doublement de ce marché attendu d’ici cette date, cela reviendrait à quadrupler la production sur le continent européen en dix ans. Le défi est de taille et la nouvelle usine d’Infineon ne sera pas de trop pour le relever.
Simon Rousselot
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