À l’Assemblée nationale, des députés s’interrogent sur la place de l’OSINT dans les armées

Ce mercredi 23 novembre, lors d’une commission de la Défense nationale et des Forces armées à l’Assemblée nationale, plusieurs députés ont pu interroger Michel Goya, ancien officier des Troupes de marine et chercheur indépendant, Xavier Tytelman, consultant aéronautique et défense, et le général (2S) Michel Yakovleff, chef de la majeure « politique de défense » à l’IHEDN, sur la place de l’OSINT dans les armées et les services de renseignement.

« Comme le disait justement le général Georgelin à l’époque où je travaillais pour lui : “avec les renseignements en source ouverte, vous avez 80 % des informations que moi, Chef d’état-major des armées, je peux avoir” », a rapporté Michel Goya à l’Assemblée nationale, mercredi 23 novembre, lors d’une commission de la Défense consacrée au renseignement d’origine sources ouvertes (OSINT). Mise en avant lors de la guerre en Ukraine, cette discipline a pu démontrer, dès le début du conflit, le déplacement de troupes ou de matériels russes grâce à l’exploitation de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Des praticiens de l’OSINT, à l’image de Xavier Tytelman, interrogé lors de cette audition, ont ainsi pu localiser précisément ces vidéos après les avoir analysées. Ce travail, mené en coordination avec le club OSINT & Veille de l’AEGE, a offert un champ de bataille transparent aux Ukrainiens et à la communauté internationale. 

« Alors que nous louons les pays anglo-saxons qui seraient très en avance sur l’utilisation du renseignement d’origine source ouverte, estimez-vous que le potentiel que représente l’OSINT est suffisamment pris en compte par nos armées et par nos services de renseignement ? », a interrogé en préambule Thomas Gassiloud, président de la commission de la Défense à l’Assemblée et député Renaissance. En effet, il convient de s’interroger sur l'absence d’intégration de l’OSINT dans l’analyse des conflits et le processus de décision opérationnelle. Un constat illustré par Michel Goya : « Après avoir quitté mon poste d’analyste en source ouverte des conflits en Asie et au Moyen-Orient au sein de l’armée de Terre, celui-ci n’a pas été renouvelé. […] Un lieutenant-colonel breveté de l’École de Guerre qui travaillait uniquement sur des sources ouvertes sur des conflits extérieurs, on considérait que c’était un peu riche et que ce n’était pas forcément très utile, […], ce qui veut dire très concrètement que plus personne ne regardait véritablement ce qui se passait en dehors de nos opérations spécifiquement françaises. » 

Soutenues par Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne, puis partagées par le général Yakovleff, plusieurs idées ont été évoquées afin de reprendre l’initiative : la création d’unités d’analyse des sources ouvertes ou encore la mise en place d’une veille basée sur l’intelligence collective. Une absence soulignée par Xavier Tytelman : « À mon grand regret, je n’ai pas la connaissance qu’une structure comme celle-ci existe au profit de l’armée. »

Plusieurs intervenants ont également suggéré – fort du succès de la création de la réserve opérationnelle de cyberdéfense il y a six ans -, qu’il fallait aujourd’hui se tourner vers l’OSINT avec la création d’une réserve similaire aux fonctionnements différents. La ressource humaine pour créer cette réserve est disponible, selon Xavier Tytelman : « On claque des doigts et vous avez 100 bénévoles, tout de suite », a-t-il assuré.

Si cette commission semble introduire, dans la sphère politique, l’importance de la collecte d’informations en source ouverte, il convient de rester attentif à l'intégration de cette dernière dans nos analyses des conflits. Longtemps laissée de côté, cette « percée » à l’Assemblée nationale pourrait marquer le début d’un avenir prometteur de l’OSINT au sein de la réflexion stratégique sur le long terme.

 

Pierre-Antonin Rousseau pour le club OSINT & Veille de l’AEGE

 

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