La lutte contre l’anonymat, nouveau pendant de l’extraterritorialité du droit américain

Washington, souvent fer de lance de la lutte anti-corruption dans le monde, a décidé de s’attaquer à l’anonymat des sociétés-écrans. Désormais les propriétaires de ces sociétés devront donner leur identité au Département fédéral de lutte contre la criminalité financière rattaché au Trésor, l’équivalent de Tracfin. La nouvelle règle est applicable dans le monde entier via l’extraterritorialité du droit américain et devrait être un puissant outil pour le renseignement.

Suite à l’adoption du William M. (Mac) Thornberry National Defense Authorization Act  pour l’année fiscale 2021 (NDAA 2021), les propriétaires de sociétés écrans seront obligés de dévoiler leur identité au Département fédéral de lutte contre la criminalité financière, sous peine d'une amende de 10 000 dollars et de deux années de prison. Selon l’ONG Transparency International qui lutte contre le blanchiment et la corruption,  ces sociétés sont utilisées par certains délinquants pour dissimuler des opérations financières illicites ou dans le cadre de corruption d’agents publics.

L’ONG est partie prenante au NDAA 2021 puisqu’elle a aidé à sa rédaction notamment en dénonçant les vides juridiques dans le droit américain permettant ces actes criminels et en poussant à l’adoption du Corporate Transparency Act (CTA), désormais incorporé dans le droit positif américain. Ces normes visent d’abord certains États américains connus pour être des paradis fiscaux comme le Delaware. En outre, en tant que loi fédérale, elle est de nature extraterritoriale, ainsi ce nouveau paradigme juridique est susceptible d'être utilisé comme une arme de guerre économique par l’administration américaine.

En effet, le NDAA 2021 vient renforcer l’arsenal juridique offensif américain en tant que nouveau moyen de coercition contre les personnes physiques et morales non-américaines. Désormais, le Department of Justice pourra s’appuyer sur le CTA et le NDAA 2021 afin de lever l’anonymat des propriétaires de sociétés écrans ce qui pourrait permettre par exemple la poursuite des personnes ayant violé le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) de 1977 qui se pensaient à l’abri derrière une entité juridique fantôme.

 

Pierre-Guive Yazdani

 

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