Le 22 décembre, la branche recherche de la bancassurance hollandaise Rabobank (RaboResearch) a mis à jour sa cartographie des risques concernant 18 pays dits émergents. En outre, en appliquant les indicateurs de RaboResearch, la situation de la France est préoccupante dans le cadre de la reprise post-pandémie.
Pour RaboResearch, les pays asiatiques sont en relative bonne santé économique, tandis que les pays d’Amérique latine sont les plus vulnérables avec l’Argentine en bout de classement. Par ailleurs, les marchés émergents se redressent à des rythmes différents, allant d'une croissance à un chiffre (Chine +5%, Vietnam +2%) à des contractions à deux chiffres (Chili -12%, Philippines -10%) au troisième trimestre 2020. De plus, les niveaux de dette publique augmentent dans toutes les économies, limitant ainsi les futures marges de manœuvre budgétaires. Concernant les devises nationales, le peso philippin, le forint hongrois et le peso chilien surperforment tandis que le rouble russe et la roupie indienne sous-performent par rapport à leur vulnérabilité.
À l'avenir, les analystes de la Rabobank prévoient que les devises émergentes seront relativement fortes grâce à la faiblesse du dollar et à la reprise économique mondiale dont ils sont souvent le premier maillon dans la chaîne de valeur. Mais RaboResearch s'inquiète des risques baissiers qui, s’ils se matérialisent, impacteront d’abord les monnaies des pays les plus vulnérables comme le peso argentin. En effet, le crédit se contracte à un rythme inquiétant aux États-Unis, ce qui pourrait être le signal d’un ralentissement général, bien loin des estimations de reprise rapide post-pandémie. En tout état de cause, c'est la Chine et la Corée du Sud qui s’en sortent le mieux et qui disposent du meilleur potentiel de rebond.
Appliqués à la France, les indicateurs de RaboResearch, qui associent la capacité de rebond d’un pays à son score de vulnérabilité, dévoilent le faible potentiel du pays. Tout d’abord les plus ou moins bonnes performances économiques observées dans l’Hexagone (-13.8% au trimestre 2 (T2) 2020 mais +18.2% au T3 2020) contrastent avec le taux très élevé d’endettement public qui atteint 114.1% du PIB au T2 2020 (+10 points par rapport au T1, dette détenue pour moitié par des non-résidents). Cela indique a priori que les aides publiques ont été relativement efficaces à court terme. Cependant elles réduisent encore plus la marge de manœuvre budgétaire et entraînent encore plus l’avenir du pays dans une spirale d’endettement. De plus, le risque politique élevé en France couplé à des réserves en mois d'importation structurellement faibles indique que le pays, a fortiori à la suite de la pandémie de Covid-19, fonctionne en flux tendu. Cela signifie que la France pourrait ne pas pouvoir soutenir le rythme de la reprise en cas de problème politique et risque la surchauffe rapide. Ensuite, la faiblesse du dollar nuit à la France dans ses exportations alors même que l’euro surperforme et indique que la Chine est en position de force, « car la Chine, dont l’économie repart, n’a pas eu recours au même niveau de création monétaire », selon Didier Saint-Georges.
Ainsi, dans l’étude de RaboResearch, la France se situerait en queue de peloton des potentiels de reprise à cause de ses vulnérabilités. Cela explique l’activisme français afin de bénéficier des 40 milliards d’euros d’aide européenne pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, tout indique que pour atténuer l’ampleur de la crise, les politiques de création monétaire vont se poursuivre à un rythme soutenu.
Pierre-Guive Yazdani
Pour aller plus loin:
- [Mois du Risque] la gestion de la crise du Covid-19 : vers une réinvention du Nouvel Ordre Mondial
- Vers une nouvelle gestion de la dette publique dans la zone euro
- L’expansion monétaire américaine va continuer