La guerre de l’information se poursuit entre l’Union Européenne et les GAFAM. La crise économique fait prendre conscience aux acteurs institutionnels comme aux particuliers de l’omniprésence de ces derniers. Pour faire face à ses nouveaux titans, les régulateurs, européens comme étrangers multiplient les enquêtes et autres procédures antitrusts pour tenter de les juguler.
Vers la responsabilisation des GAFAM, le cas Google
L’Europe et son commissaire au marché intérieur Thierry Breton sonnent la charge. Le Vieux Continent veut réglementer les GAFAM et pousse pour la mise en place d’un « Digital Services Act Package ». Ce projet européen est à deux volets. Le premier concerne la liberté d’expression sur internet, et veut pousser les géants du numérique à faire respecter la loi sur Internet, par exemple en supprimant les contenus à caractère racistes et en promouvant la transparence. Discours récurrent depuis des années en France et en Europe qui contrairement au second volet du projet ne représente qu’une menace limitée pour les GAFAM. En effet, le second volet du Digital Services Act concerne un sujet qui tient à cœur à l’Union, la concurrence. L’Europe veut empêcher les abus de position dominante des géants américains et en finir avec leurs pratiques douteuses, dont Bruxelles aurait placé quelques-unes sur une liste noire. Parmi ces celles-ci, la pré-installation d’applications sur les smartphones ou les ordinateurs ou la redirection d’une plateforme vers ses propres produits, comme on pourra le constater plus en détail avec Amazon.
Pour faire face, Google qui serait particulièrement impacté par cette réglementation européenne a mis en place un plan de lobbying tombé à l’eau nommé « DSA 60-Day Plan Update ». Cette contre-attaque avait pour objectif de vider de sa substance le projet européen mené par le Commissaire Thierry Breton. Pour ce faire, Google comptait sur un plan de bataille en trois étapes. La première partie consistait à impliquer le gouvernement américain dans l’affaire pour faire comprendre aux Européens que ce projet mettait à mal les relations entre les États-Unis et l’Europe. La deuxième partie du plan prévoyait d’attiser les dissensions interne à la Commission, notamment en visant la direction générale de la concurrence qui n’a pas la main sur le dossier. Enfin, le plan de Google prévoyait de s’appuyer sur des groupes européens alliés pour faire pression sur les autorités européennes. La divulgation du plan a cependant bâclé les plans du PDG de Google Sundar Pichai qui s’est excusé auprès de Thierry Breton pour le lobbying de son entreprise.
Les excuses de Google n’enlèvent néanmoins rien aux problèmes que posent la recrudescence des mesures antitrust visant les GAFAM. A Washington comme à Bruxelles, les géants du numérique inquiètent, par leur taille et leur utilisation des gigantesques quantités de données qu’ils récoltent.
Les GAFAM suscitent craintes et suspicions quant à leur utilisation de la Data récoltée, le cas Amazon
Le reconfinement pousse de plus en plus de Français et d’Européens vers le e-commerce et son leader Amazon. En parallèle, la Commission Européenne relance une enquête ouverte en 2019 contre le géant américain pour pratiques anticoncurrentielles. Amazon est soupçonné d’utiliser les données provenant des vendeurs comme des consommateurs pour mettre en avant ses produits. Mme Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence ayant déclaré : « Nous devons veiller à ce que les plateformes jouant un double rôle et détenant un pouvoir de marché, comme Amazon, ne faussent pas la concurrence. ». Le ton est donné mais ce n’est pas une première pour Amazon sur le Vieux Continent. En 2017, la Commission s’était déjà entendue à l’amiable avec Amazon pour pratiques anticoncurrentielles sur l’affaire des e-books. Les engagements de l’américain avaient suffi à l’époque à lui éviter une amende.
Cette procédure s’inscrit dans un contexte de défiance globale de plus en plus prégnant à l’égard des GAFAM, en Europe avec la taxe GAFA qui a été votée en France en 2019 et qui est en projet à Bruxelles, mais aussi aux États-Unis, où Facebook a reçu une amende de 5 milliards de dollars et où Google est menacé par une procédure antitrust. L’enjeu pour les géants du numérique est de ne pas subir le sort de la Standard Oil près de 100 ans auparavant.
L’un des principaux aspects de cette défiance croissante est l’utilisation faite par les GAFAM des données qu’elles récoltent. Les profits qu’octroie le commerce de la data collectée inquiètent de plus en plus les particuliers quant au respect de leur vie privée.
Pour ne pas trop s’attirer les foudres des consommateurs et des régulateurs , les GAFAM n’ont d’autres choix que d’accorder la plus grande importance à leur réputation. Pour ce faire, les GAFAM s’inscrivent dans une guerre de l’information constante face aux accusations dont elles sont l’objet. Dans le cas d’Amazon, la compagnie prétend aider des centaines de milliers de petites entreprises en Europe qui bénéficient de la visibilité du marketplace, insistant sur le fait que des sanctions portées à Amazon pénaliseraient ces entreprises et les consommateurs. Le géant reproche également une mauvaise compréhension des faits au régulateur européen. De l’autre côté de l’échiquier, des organisations comme le Bureau Européen des Unions de Consommateurs se félicitent de l’enquête de la commission et dénoncent les pratiques déloyales d’Amazon.
Quelle que soit la décision que rendra la Commission, les régulateurs ne doivent pas perdre de vue l’ensemble des problèmes posés par les GAFAM. En effet, l’Europe devrait considérer le problème de leur imposition, se concentrer sur la protection des données et affermir ses politiques en ce sens. La réglementation (RGPD) doit être perçue comme un pilier d’un édifice plus large qu’est la souveraineté numérique, seule, elle est insuffisante.
Julien Cossu
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