La Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) gère le régime obligatoire et complémentaire des enseignants depuis 1947. Cette position de monopole lui garantissait des revenus confortables et assurés. Mais depuis 2018, le gouvernement travaille sur un projet de loi qui bouleverserait ce statu quo et ouvrirait ce marché à la concurrence. La MGEN a donc entrepris différentes actions d’influence afin de sauvegarder son avenir.
Après avoir connu un statut privilégié pendant plusieurs dizaines d’années, la MGEN est désormais confrontée à une situation nouvelle dans laquelle elle doit se battre pour tirer son épingle du jeu.
La MGEN et les fonctionnaires : une relation solide en phase de bouleversement
La MGEN est une mutuelle née au lendemain de la seconde guerre mondiale, de la fusion des mutuelles départementales d’enseignants qui préexistaient. En 1947, à la faveur de la loi Morice, elle s’est vu confier, par délégation, la gestion du régime obligatoire des fonctionnaires du secteur de l’éducation et de la culture. Le modèle de fonctionnement de la mutuelle était basé sur un principe fort de solidarité avec notamment une cotisation proportionnelle aux revenus, sans tenir compte du montant des dépenses de santé.
La gestion du régime obligatoire, associé à un esprit de corps assez fort, lui a assuré pendant longtemps une position hégémonique. La mutuelle a été soumise à une plus forte concurrence à partir des années 2000 avec la conjonction de plusieurs phénomènes. Tout d’abord, le développement de la protection sociale obligatoire d’entreprise qui prévoyait souvent des couvertures familiales moyennant une cotisation forfaitaire. De ce fait, certains enseignants ont quitté la MGEN pour bénéficier de la mutuelle de leur conjoint.
De plus, le modèle de solidarité prôné par la mutuelle a eu plus de mal à séduire les jeunes générations qui s’en détournaient, pour des raisons économiques, au profit de mutuelles concurrentes. Enfin, la législation relative à la protection sociale complémentaire des fonctionnaires à évolué avec la mise en place en 2007 d’un dispositif de référencement subordonnant l’octroi d’une aide financière, représentant environ 3% du montant des cotisations, à une procédure de mise en concurrence.
La mutuelle a répondu à ce nouvel environnement en renforçant les partenariats. Dans un premier temps, en 2011, au sein du Groupe Istya réunissant plusieurs acteurs majeurs de la protection complémentaire des fonctionnaires puis en créant en 2017 le Groupe VyV au travers d’une alliance avec la première mutuelle interprofessionnelle française Harmonie Mutuelle.
Seule mutuelle retenue dans la première phase de référencement en 2010 pour les Ministères de l’éducation nationale et de la culture, la MGEN a perdu sa position privilégiée lors du deuxième appel d’offres qui a référencé également la CNP (Caisse Nationale de Prévoyance) et une autre mutuelle, Intériale. Malgré ces différents éléments, la MGEN n’assure la couverture complémentaire que de 80% des fonctionnaires de son champ d’intervention.
La réforme de la protection sociale des fonctionnaires (PSC)
En 2018, le gouvernement a initié une réflexion sur l'évolution de la PSC des fonctionnaires en initiant une mission conjointe des inspections générales des affaires sociales (IGAS), des finances (IGF) et de l’administration (IGA).
En effet, les pouvoirs publics ont rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2016 (loi dite ANI) la fourniture par les employeurs privés d’une assurance maladie complémentaire à adhésion obligatoire avec une prise en charge d’au moins 50% du coût des cotisations. De ce fait, les pouvoirs publics imposaient aux acteurs privés des contraintes dont ils s’exonéraient. Cette situation a été dénoncée notamment par les organisations syndicales de la fonction publique mais également par les mutuelles de fonctionnaires fustigeant une rupture d’égalité.
Le rapport, rendu public à l’octobre 2020, envisage trois scénarios dans le cadre d’une évolution de la procédure de référencement : référencer un seul organisme complémentaire par ministère, avec éventuellement une adhésion obligatoire ; labelliser sur le plan national un nombre limité d’organismes complémentaires en garantissant l’absence de sélection des risques ; généraliser les transferts de solidarité en couverture santé à tous les contrats dits « responsables et solidaires ». En parallèle, la loi 9-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique habilitait le gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer la PSC des fonctionnaires.
Le projet d'ordonnance vient d’être rendu public. Il prévoit à horizon 2024 un dispositif d’aide à la souscription d’une couverture complémentaire comparable à celle qui existe dans le privé. Cette aide serait réservée aux assureurs « référencés », en revanche les modalités de référencement sont renvoyées à des textes d’application.
Les actions d’influence du groupe menées par la MGEN
Cette réforme de la PSC des fonctionnaires représente un enjeu majeur pour la MGEN, et plus généralement pour l’ensemble des mutuelles de fonctionnaires. En effet, la transposition pure et simple des règles existant dans le secteur privé pourrait avoir pour conséquence de rendre obligatoire l’adhésion des fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale à un contrat de complémentaire santé gérée par un autre assureur, privant ainsi la MGEN de la majeure partie de ses effectifs. C’est donc une question de survie pour la mutuelle.
La MGEN a donc mis en place une action d’influence d’une part en son nom propre et d’autre part dans le cadre des organismes fédératifs auxquels elle adhère, la Mutualité Fonction Publique et la Mutualité Française.
Trois cibles prioritaires ont été identifiés pour mener ces actions :
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Les organisations syndicales de la fonction publique qui jouent un rôle important dans la définition du statut des fonctionnaires
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Le Ministère en charge de la fonction publique, pilote de la réforme ;
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Le Ministère de l’Education nationale, interlocuteur privilégié de la mutuelle.
Les actions à destination des deux premiers acteurs étaient faites dans le cadre des fédérations alors que la MGEN se réservait les relations avec le Ministère de tutelle.
Le discours retenu est double : il convient de dénoncer, au nom de l’égalité, la différence de traitement avec les salariés du secteur privé et dans le même temps de refuser, au nom des spécificités de la fonction publique, un dispositif d’assurance obligatoire.
Les éléments clés de la position défendue par la mutuelle sont une couverture qui mutualise toutes les catégories d’agents actifs et retraités, la liberté d’adhésion des agents, une protection complète, santé et prévoyance, une participation financière des employeurs publics significative, et enfin le renforcement du poids des critères solidaires dans le choix des opérateurs complémentaires.
Les actions ont pris plusieurs formes et se poursuivront tant que le texte de l’ordonnance, annoncé pour les tout prochains jours, ne sera pas définitivement arrêté :
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Audition par la mission conjointe des inspections générales des affaires sociales (IGAS), des finances (IGF) et de l’administration (IGA) ;
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Rédaction par la Mutualité Fonction Publique d’un mémento sur la PFC dans lequel les positions des mutuelles étaient développées ;
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Déclaration unitaire de la MFP et des organisations syndicales de fonctionnaires ;
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Campagne de communication grand public réalisée par la MFP avec un site internet dédié, un film et une pétition.
Ces différentes actions ont vocation à préserver et protéger le statut de la MGEN. Si elles sont efficaces, leurs effets se feront ressentir dans les prochains mois. Sinon, la MGEN devra se réinventer afin de compenser la perte de son monopole.
Club Influence de l’AEGE
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