Comme nous avons pu le voir dans la première partie, la diplomatie des loups guerriers est une stratégie de communication tournée vers la défense des intérêts chinois. Pour autant, elle ne permet pas uniquement d’aborder une posture défensive mais elle apparaît également sous un angle offensif. Cette diplomatie des loups-guerriers au service de la conquête des nouveaux marchés s’illustre parfaitement dans le déploiement des nouvelles routes de la soie et du développement d’entreprise comme Huawei.
Les loups guerriers, fer de lance du déploiement des nouvelles routes de la soie
Le projet des nouvelles routes de la soie est avancé pour la première fois lors d’un discours en 2013 en promettant de renforcer les liens entre la Chine et le monde. Ces nouvelles routes de la soie se divisent en deux parties : les nouvelles routes de la soie terrestres et les nouvelles routes de la soie maritime, ces deux sont supplantées par les routes de la soie numérique. Ce projet à ambition globale lui permet d’étendre son influence dans l’Est du globe, de se constituer un pré-carré et de remporter de nombreux contrats pour ses entreprises nationales.
Au cœur de cette stratégie des Nouvelles Routes de la Soie, la diplomatie de la dette sert de pivot économique pour la Chine, elle use de sa très forte croissance pour financer les pays qui ont besoin d’argent frais. Ce financement est soumis à des conditions de prêt fortement avantageuse pour les intérêts économiques et diplomatiques du créancier chinois. Dès lors, la Chine peut imposer des moyens de pression au pays concerné en préemptant comme par exemple une clause de recouvrement par aliénation du droit de propriété. C'est-à-dire lorsque le pays débiteur à rembourser le créancier, la Chine se permet de prendre le contrôle de la structure financée comme reconnaissance de dette. Ce mécanisme a été utilisé au Sri Lanka, pays criblé de dettes, le port d’Hambantota financé par l’emprunt chinois leur a été transféré. Ces moyens de pression économique leur servent de tremplin sur la scène internationale pour faire valoir leur intérêt.
Ce mécanisme est fortement critiqué par les opposants au régime chinois. Dès lors, les guerriers diplomatiques sont les premiers utilisés pour gagner ou défendre des positions ou des marchés favorables au pouvoir chinois. Un exemple cristallisant cela, c’est le détournement de la guerre économique ou des droits de l’homme en faveur de leurs intérêts. Cette captation est utilisée contre les contradictions des puissances occidentales notamment celles américaines. Ce fut le cas notamment avec l’utilisation de l’affaire George Floyd où les Chinois ont dénoncé l’hypocrisie des Etats-Unis concernant les droits de l’hommes ou encore récemment avec les cas des ouïghours où ils ont appuyé sur l’utilisation à géométrie variable des droits de l’homme de la part de la puissance américaine.
L’entrisme chinois dans les cercles d’influences étrangers, l’exemple de Huawei
Pour appuyer ses nouvelles velléités à l’extérieur, elle ne se contente pas de simples déclarations mais cherche à attirer dans son rayon d’action des points de relais ou d’appuis dans les pays étrangers. En effet, le lobbying chinois est très actif dans le monde notamment dans le domaine économique notamment au niveau européen. Ceci a été particulièrement criant lors de l’affrontement géopolitique en cours sur le déploiement de la 5G entre les Etats-Unis et la Chine.
Pour arriver à ses fins, Huawei a dépensé d’énormes sommes en lobbying pour s’attacher une bonne image auprès des institutions européennes. Le GMSA, principal lobby européen des télécoms a repris une étude de Huawei calculant le coût d’une exclusion éventuelle du marché européen pour ce dernier. De même, l’ancien vice-président de Telefonica principal opérateur de téléphonie Italien et membre exécutif du lobby européen des télécoms l’ENTO, Luigi Gambardella a été nommé directeur du plus gros lobby en Europe ChinaEU. En dehors de ce noyautage, on a également assisté à des campagnes de partage d’informations favorables à l’entreprise chinoise relayées par des faux comptes sur les réseaux sociaux. Ce contenu était repris par les comptes officiels des cadres de Huawei Europe pour appuyer la nécessité d’acheter la technologie 5G Huawei. Ces campagnes sont là pour répondre aux attaques américaines contre les institutions européennes leur conseillant fortement de se désengager de l’opérateur chinois. L’opération Clean Network mise en place par la puissance américaine qui prévoit un monde numérique sans la Chine n’est que l’émanation de cette guerre menée par les deux pays.
En dehors du noyautage des hauts dirigeants ne s’arrête pas à Bruxelles, en dehors du cas de Jean-Pierre Raffarin, la nomination de Jean-Louis Borloo au conseil d’administration a suscité de nombreuses controverses. Cette nomination peut soulever des questions lorsqu’on sait que Valenciennes, la ville où il était auparavant maire a été la première ville intelligente test de Huawei ou encore que Valenciennes devient également un arrêt pour le projet des routes de la soie. Après la démission de Jean-Louis Borloo, c’est au tour de Jean-Marie Le Guen de défendre les intérêts de Huawei, l’ancien secrétaire chargé de la francophonie est désormais la tête de pont française de l’entreprise. Cela pose la question de l’utilisation d’anciens d’hommes politiques pour véhiculer une bonne image tout en ayant potentiellement accès aux réseaux de ces personnes-là.
La Chine à travers sa diplomatie des loups-guerriers commence à montrer ses velléités de puissance à la face du monde. Elle a désormais les moyens de ses ambitions et ne compte plus se laisser faire. La guerre commerciale avec les Etats-Unis tend à prouver que la Chine a désormais plusieurs cordes à son arc pour défendre ses intérêts et ses valeurs.
Nathan Crouzevialle
Partie 1 : La diplomatie des loups guerriers, véritable stratégie de communication ? (Partie 1/2)
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