Afin de renforcer son autonomie dans une transition énergétique continentale consommatrice de terres rares sans subir les effets négatifs d’une hausse de la demande, la Commission européenne a présenté une série de mesures susceptibles de sécuriser son approvisionnement en matières premières, d’assurer son ‘’autonomie stratégique ouverte’’ et de réduire sa dépendance envers l’approvisionnement chinois.
Dévoilées le 3 septembre 2020, les dispositions de l’UE partent d’un double constat : celui d’une origine extra-européenne à 75-100% de l’approvisionnement en terres rares, d’une part, et d’autre part d’une explosion de la demande continentale – celle en lithium serait multipliée par 18 d’ici 10 ans, voire 60 en 2050. Une augmentation notamment induite par le « verdissement » du mix énergétique européen. L’aboutissement effectif de la décarbonation de l’économie passerait alors par une maîtrise intégrale de sa chaîne de valeur. A titre d’exemple, la fabrication de voitures électriques requiert des composants tels que du lithium, du graphite et du cobalt. Le premier est présent en Australie et au Chili, et convoité et raffiné par la Chine, elle-même détentrice de graphite ; le cobalt étant majoritairement extrait en République Démocratique du Congo. Toute production mettant en œuvre ces éléments développe donc une dépendance multiple aux différents fournisseurs. Le document de la Commission mentionne les industries de défense, des énergies renouvelables, de la mobilité, de l’électronique et celles ‘’à forte intensité énergétique’’ comme secteurs mobilisant l’ensemble des terres rares, et donc comme étant particulièrement concerné par cette problématique.
S’appuyant sur ces éléments prospectifs, la Commission européenne a présenté un plan d’action en 10 points : création d’une alliance des matières premières, définition des critères de financement durable de projets miniers, soutien financier de la R&D en recyclage et réduction de l’impact environnemental, cartographie et priorisation des ressources situées en Europe, notamment à l’aide de satellites d’observation, reconversion des régions riches en charbon, établissement de partenariats internationaux pour sécuriser un approvisionnement diversifié, et développement de pratiques responsables dans les processus d’extraction.
Ce paquet de mesures s’accompagne d’une mise à jour de la liste de métaux plus critiques que rares (dernière actualisation en 2017), et inclut pour la première fois le lithium, en plus de la bauxite guinéenne, du titane chinois et du strontium (produit en Espagne). Enfin, il est intéressant de remarquer que suite à la crise sanitaire, cette présentation intervient peu après l’appel à projets de Bpifrance, intégrant les matières premières critiques dans son périmètre de sélection en vue du renforcement de la résilience de l’industrie française ; elle advient parallèlement à la consolidation des stocks chinois de cobalt, probablement pour anticiper cette tension sur les matières premières.
Louis-Marie Heuzé
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