Après un Dubai Air Show 2021 (DAS) mouvementé et majoritairement dominé par Airbus, Boeing cherche désormais à repositionner ses pions. L’intérêt de Lufthansa pour une commande de nouveaux 777X dans leurs versions cargo apporte une lueur d’espoir à l’avionneur de Seattle. La bataille pour le marché stratégique du cargo aérien s’intensifie.
Carsten Spohr (CEO, Lufthansa) a annoncé ce vendredi avoir ouvert les discussions pour l’achat d’exemplaires de la version cargo du 777X de Boeing. Lufthansa, qui se dotera aussi de la version de transport passager du dernier né de la firme américaine en 2023, semble vouloir poursuivre son partenariat avec l’avionneur américain. Cette annonce confère à Boeing un avantage certain dans les négociations à venir.
Lors du DAS, Airbus a de son côté annoncé la commande de ses premiers A350F de la part de ALC et CMA CGM. Ces partenariats constituent une opportunité pour Airbus, qui pourrait profiter de son élan pour s'engouffrer dans la brèche et gagner des parts de marché dans l’industrie du cargo.
Un argument majeur en faveur de l’européen est le retard de certifications de son concurrent sur le programme 777X dont la date de lancement pour la version cargo n’a pas encore fait l’objet d'annonces. Après la mise sur le marché désastreuse du 737MAX dont les défauts de conception ont entraîné la mort de 346 passagers et membres d’équipages, l’avionneur américain ne peut se permettre un autre scandale. Ces accidents ont amené la FAA (Federal Aviation Administration) à réviser ses procédures de certifications, ce qui a entraîné des retards et provoqué des frictions avec les clients de Boeing. Tim Clark, président d’Emirates, à l’initiative de la plus grosse commande du programme 777X (126 appareils pour un montant total estimé de 50 milliards de dollars), s’est notamment plaint du report de la date de certification à juillet 2023, alors qu’une livraison sous contrat était prévue en juin 2020.
En plein renouveau de sa flotte, ces retards alourdissent les comptes d’Emirates. De son côté, Lufthansa, qui est entrée dans une phase similaire suite à la sortie de service de ses MD-11F, se doit donc de suivre ce cas avec attention. En se séparant de ses derniers 747 en 2005, la division Cargo du géant allemand opère désormais une flotte de 777F qui n’est plus suffisante pour couvrir la demande. La conversion de l’un de ses A380 en jet cargo est d’ailleurs représentative de ses besoins actuels.
Si les retards continuent de s’accumuler côté américain, Airbus pourrait tirer profit des récents déboires de Boeing. Bien que l’A350F promet des performances sensiblement inférieures à son compétiteur, notamment par sa capacité de chargement, Airbus prévoit une sortie de l’appareil à partir de 2025, ce qui lui donnerait l’avantage de l’échéancier. Il ne serait donc pas surprenant de voir le constructeur européen s’inviter à la table des négociations et tenter de dérober le contrat avec Cologne pour asseoir sa position sur le marché des cargo jets.
Lufthansa, Qatar Airways, DHL et UPS ont d’ailleurs fait part de leur volonté de renouveler leurs flottes. Les deux avionneurs devront alors répondre présents dans une industrie aérienne qui ne pourra pas, selon Tim Clark, “être ralentie par les constructeurs lors de la reprise post-COVID”.
Alexandre Perfetti
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