[Chronique IE & actualités] Dernières nouvelles de Pékin

Dans ce nouveau format, le Portail de l’IE souhaite compiler certaines informations passées inaperçues sur une période donnée. Pour cette première édition, nous avons compilé quatre informations concernant les pratiques d’ingérence chinoise en France, en Europe, en Australie ainsi qu’une avancée chinoise significative dans le champ de la 6G.

La Chine passe une étape importante pour le développement de la 6G :

Début janvier, le South China Morning Herald annonçait que le laboratoire de recherche chinois de Purple Mountains a mené avec succès un test de transmission de données à une vitesse de 206,25 gigabits par seconde. Le laboratoire, financé par des fonds gouvernementaux, serait donc en possession d’une puce 6G d’une puissance jamais atteinte auparavant. 

Selon les informations du South China Morning Post, les tests auraient été menés en collaboration avec China Mobile, géant de télécommunication chinois détenu par le PCC, et l’Université de Fudan. À l’origine, c’est bien le pouvoir central de Pékin qui a initié ces tests. Il faut noter que pour le moment, cette vitesse de transmission n’a été atteinte qu’en laboratoire et se destine à l’Armée Populaire de Libération pour une utilisation militaire. L'arrivée de la 6G pour une utilisation civile ne s’opérera pas avant 2030 selon Huawei et Ericsson, autres grandes sources d’innovation dans le domaine. 

Les entreprises chinoises, qui sont parmi les plus prolifiques au monde en termes de déposition de brevet couvrant la 6G, ont commencé à investir massivement dans le secteur en 2017. C’est une véritable course à l’innovation d’envergure mondiale qui s’est lancée. Les Américains, qui avaient manqué le coche de la 5G, s’inscrivent en seconde position de dépôt de brevets, suivi de loin par le Japon et l’Europe. Que ce soit au niveau militaire ou civil, l’affrontement technologique autour de la 6G va se faire plus intense et sera central pour déterminer les acteurs qui domineront les infrastructures de télécommunication de la décennie 2030. 

 

Qualland Institution, un cabinet chinois qui s’intéresse à la pensée stratégique européenne 

Le lundi 31 janvier, le site spécialisé dans le renseignement Intelligence Online révélait qu’une organisation chinoise cherchait à recruter des chercheurs européens. Qualland Institution, qui se définit comme un cabinet de conseil en stratégie, aurait pour objectif de rassembler des penseurs stratégiques européens pour éclairer Pékin sur la pensée occidentale dans la zone Indo-Pacifique. 

Pékin poursuit sur sa stratégie d’ingérence dans la pensée européenne. Ses pratiques, déjà institutionnalisées par le programme « Mille Talents » pour les champs technologiques et académiques, semblent s’orienter maintenant sur la pensée géostratégique. Couplées à des pratiques d’ingérence, savamment compilées dans un rapport de l’IRSEM, il en ressort une véritable campagne de colonisation cognitive. 

Celle-ci consiste à, d’une part, comprendre et s'accaparer les savoirs européens. Le but est de s’imprégner de la vision européenne du monde. Cette dernière, basée sur une matrice culturelle propre, permettra à Pékin de pressentir certaines des réactions du vieux continent face à ses actions dans la zone. D’autre part, à influencer cette pensée, au niveau de l’opinion publique et des élites de tous types. 

Qualland Institution n’est que l’un des nombreux maillons déployés par la Chine pour capter la pensée européenne. Le cabinet n’a d’ailleurs aucun site internet décrivant ses activités et paraît ne viser que certains individus très précis, avec des domaines de recherche particuliers. Ce qui interroge le plus les analystes d’Intelligence Online est l’inaction des services spéciaux européens, qui semblent être passés à côté de ces activités.   

 

Un livre sur l’ingérence chinoise au sein de la DGSE

Les journalistes Antoine Izambard et Franck Renaud publient un livre le 9 février racontant comment le Guoanbu, les services de renseignement du ministère de la sécurité de l’État chinois, ont infiltré la DGSE à travers deux anciens agents. Les deux individus, qui ont été jugés en juillet 2020, sont accusés d’avoir livré des informations à des contacts chinois. L’un d’entre eux a été en poste en Chine dans les années 1990, tandis que l’autre n’y a jamais travaillé et aurait été recruté par le premier.  

C’est le dernier épisode d’une liste toujours plus longue d'ingérences chinoises au cœur de la puissance française. Après les universités et les institutions politiques, c’est désormais au sein des services de sécurité que Pékin a réussi à prendre marque. Au-delà de l’intégrité des institutions françaises, c’est leur résilience face aux tentatives de pénétrations étrangères qui doit alarmer la communauté du renseignement. 

 

Un rapport australien alertant sur l’influence chinoise au sein des territoires australiens

Le 15 février, John Fitzgerald, professeur émérite de l’Université de Melbourne publie un rapport intitulé « Taking the low road: China's influence in Australian states and territories » en collaboration avec l’Australian Strategic Policy Institute, l’un des principaux think-tank australiens spécialisé sur les question de défense et de sécurité. Sous la direction de John Fitzgerald, le rapport dresse un constat alarmant concernant l’infiltration chinoise au sein de la société civile australienne : universités, gouvernements locaux, ONG et instituts de recherche, rien ne paraît échapper aux tentatives d’ingérence chinoises. 

Le rapport, qui analyse la situation état par état, dépeint la profondeur de l’infiltration au sein des universités nationales, notamment à travers les partenariats de recherche, la proposition puis la pression par le financement, les cyber-intrusions et les tentatives de recrutement du staff académique. Le Portail de l’IE étudiait déjà ces problématiques en novembre, via le programme « Mille Talents ». 

Au niveau des recommandations, le rapport appelle à ce que le gouvernement fédéral australien s’implique plus profondément dans la contre-ingérence territoriale. Pour autant, cela pourrait mener à des tensions entre les territoires et le gouvernement central. On se souvient du mécontentement du territoire de Victoria lorsque le gouvernement fédéral avait mis son véto à l’intégration de l’État dans la Belt Road Initiative.

En France, nous faisons également face à ce genre de pénétrations. Récemment, Médiapart révélait qu’une étudiante chinoise doctorante en France aurait donné accès à certains de ses compatriotes à des laboratoires sensibles situés dans l’Est de la France. La DGSI, inquiète de ces pratiques qui se multiplient sur le territoire national, avait répertorié cet exemple dans un «  flash ingérence » d’octobre 2021.

 

Guilhem Garnier

 

Pour aller plus loin :