Câbles sous-marins européens : entre accidents et sabotages, des dommages stratégiques qui interrogent

Fin octobre, plusieurs câbles de fibre optique ont été endommagés en France et plus largement en Europe. Des soupçons de sabotage planent au-dessus de ces évènements en cascade, qui impactent des nœuds stratégiques de connectivité mondiale. Paranoïa ou spéculation justifiée ? Sur fond de guerre en Ukraine, les esprits s’échauffent…

Les 15 et 20 octobre, le câble sous-marin Shefa 2 qui relie l’Écosse aux îles Shetland et Féroé a été endommagé, privant les résidents de la région du téléphone et d’Internet durant plusieurs jours. Un épisode apparemment accidentel selon le gouvernement britannique, qui attribue la cause de l’incident à des chalutiers de passage.

Ces accidents ne furent néanmoins pas isolés en cette fin de mois, car dans la nuit du 17 au 18 octobre, trois câbles de fibre optique ont été sectionnés dans un centre de contrôle à Aix-en-Provence. Le court délai de l’attaque pousse ici l’enquête à privilégier la piste du sabotage ; les auteurs restent par ailleurs inconnus à ce jour.

Deux évènements dont les causes restent encore à définir, mais dont les conséquences sont considérables sur les réseaux internet mondiaux. Le rapport d'incident de Netcost Security précise que « la coupure d’un câble majeur dans le Sud de la France a impacté la connectivité en Asie, en Europe, aux États-Unis, et potentiellement dans d’autres régions du monde ». En effet, les câbles terrestres endommagés à Aix-en-Provence sont reliés à d’autres câbles sous-marins situés à Marseille, point de départ de gros nœuds Internet rattachant l’Europe à l’Asie et l’Afrique. L’incidence de la mi-octobre a donc engendré de nombreux problèmes au-delà de nos frontières, pertes de paquets et latence accrue notamment.

Les spéculations grandissent autour de ces épisodes distincts mais similaires. Certains observateurs portent leur regard sur la Russie, sous le feu des critiques depuis la guerre en Ukraine et accusée de vouloir diminuer l’Occident. S’agirait-il d’une paranoïa illégitime ? Rappelons que le Grand Ours est déjà pointé du doigt par plusieurs pays européens dans l'affaire du sabotage des gazoducs Nord Stream, accusation réciproquement allouée aux Britanniques par le Kremlin.

En outre, la réponse des autorités européennes et françaises ne s’est pas fait attendre. Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen avaient d’ailleurs appelé au renforcement de la surveillance autour des installations sous-marines avant même que les attaques aient eu lieu, début octobre. À noter que ces infrastructures sont centrales dans la stratégie étatique : l’hexagone est notamment le pays le plus connecté de l'Union européenne, avec une trentaine de méga-câbles qui le relient au monde entier et la pose de trois câbles supplémentaires à Marseille d’ici 2025. L’enjeu est donc crucial pour l’Europe et la France, entendant asseoir leur légitimité face à Vladimir Poutine dans une guerre d’influence qui ne pousse que ses premiers cris.

 

Charlotte Moineau

 

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