Sur fond de COP27, le président Emmanuel Macron a reçu, mardi 8 novembre, les dirigeants des 50 sites français les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France. Outre la décarbonation, la France doit se doter des technologies nécessaires à la valorisation du dioxyde de carbone (CO2) et autres GES.
L’Hexagone s’est engagé à atteindre une neutralité carbone d’ici 2050 via sa Stratégie Nationale Bas-Carbone. Toutefois, au-delà de "diviser nos émissions de gaz à effet de serre (GES) par six d’ici 2050, par rapport à 1990", il convient que la France, et plus largement l’Union européenne, s’investissent dans les procédés de recyclage du dioxyde de carbone (CO2) et autres GES. Stocker du CO2 sous terre est une technologie peu connue du grand public, pourtant, il s’agit ici d’un véritable enjeu de souveraineté dans la course à la neutralité carbone.
En France, le secteur de l’industrie est responsable de 20 % des émissions de CO2 (cimenterie, métallurgie, engrais, etc.). Afin d’atteindre les objectifs imposés par l’Accord de Paris, les entreprises se doivent d’investir dans les technologies de Carbon Capture and Storage (CCS). Bien que peu médiatisés, ces projets consistant à capter, transporter puis stocker en profondeur (à environ 2 600 mètres de profondeur) du dioxyde de carbone, ont le vent en poupe. En effet, actuellement, 16 pays européens accueillent un total de 76 projets CCS et plus largement Carbon Capture, Utilization and Storage (CCUS).
Développer ces technologies françaises de rupture est un enjeu de taille majeur dans un contexte où les pays alliés restent, ne l’oublions pas, des concurrents à travers la guerre par le milieu social (Political Warfare GMS). Pour atteindre les objectifs 2030, les experts s’accordent sur la nécessité d’une coopération accrue entre le gouvernement et les entreprises. Plus précisément, les technologies de CCS se démocratiseront uniquement lorsque le prix de la tonne de captage de CO2 (entre 80 et 120 euros la tonne) sera inférieur au prix de l’émission d’une tonne de carbone (90 euros début 2022). Actuellement, les 40 millions de tonnes de GES captées par an restent dérisoires face aux 34 milliards de tonnes émises en 2020.
Cependant, non seulement, les pays de l’UE peuvent se réjouir d’avoir un avantage concurrentiel pour développer les technologies de CCUS, à savoir la possible présence de nombreux puits aquifères de stockage en mer du Nord. Mais aussi, ces derniers bénéficient d’un accès direct depuis la mer permettant de réduire les coûts de transports du CO2 liquéfié, via pipeline ou bien par navire, afin de l’enfouir par la suite dans des puits de pétrole offshore désaffectés.
Bien que le groupe TotalEnergies soit acteur majeur du projet Northern Lights, la France reste en retard, parmi tant d’autres sujets (terres rares, hydrogène, batteries électriques, etc.) face à cet enjeu de souveraineté et la nécessité de développer des clusters industriels qui généreront de nouvelles chaînes de valeurs.
A contrario, les regards se tournent vers les pays d’Europe du Nord, où les projets de captage et de revalorisation du CO2 ne cessent de se développer grâce à la mise en place des cadres réglementaires incitatifs, soit plus de 5 milliards d’euros de financement dans la chaîne CCS. L’exemple du laboratoire Orca en Islande en est l’illustration parfaite. Gourmande en énergie, cette technologie de captage atmosphérique de dioxyde de carbone affiche toutefois un prix de 335 euros la tonne. Outre les technologies de captage de CO2, l’entreprise Solar Foods : 5 levées de fonds pour un total de 42 millions de dollars, a mis en place un bioprocédé permettant de produire de la Solein® à partir de et en revalorisant du CO2. Il s’agit ici d’un nouvel aliment contenant jusqu’à 70 % de protéines qui permettrait à l'humanité de profiter d'un nouveau type de production, de récolte et d’une poudre alimentaire innovante.
Enfin, les océans sont les plus importants puits de carbone or la France possède la deuxième plus grande Zone Économique Exclusive (derrière les États-Unis), où l’État souverain est l'exploitant exclusif des ressources naturelles du sol et du sous-sol. Toutefois, ces dernières ne sont encore que trop peu étudiées et exploitées. Ainsi, bien que la French Tech soit en croissance perpétuelle (897 rounds (tours de table) pour un montant levé de 11,7 milliards d’euros), il est nécessaire de fédérer ces acteurs que sont les universités, centres de recherche, think tanks et politiques publiques ambitieuses afin de tirer avantage de l’étude de ces écosystèmes ; et ce dans dans une volonté de modifier les rapports de force sur la nouvelle superpuissance des énergies renouvelables.
Quentin Beunet
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