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La Chine réaffirme sa stratégie d’internationalisation du yuan par la dédollarisation de l’économie chinoise

Le récent rapport de la Banque Populaire de Chine (BPC) dresse un bilan exhaustif de l’internationalisation de sa devise, le renminbi (RMB), communément appelé yuan. Dans un contexte de tensions géopolitiques et de guerre économique de plus en plus marqués, la rivalité sino-américaine se matérialise, du côté chinois, par une réduction de son stock de bons du Trésor américain au profit d’une augmentation substantielle de ses réserves d’or.

La volonté chinoise de créer un système alternatif et parallèle au modèle occidental n’est pas une nouveauté. Depuis des années, les exemples se multiplient : création de l’Organisation de coopération de Shanghaï en 2001, mise en place du système de paiement interbancaire transfrontalier en yuan, le CIPS (équivalent du CHIPS act américain) en octobre 2015, ou encore la création du yuan numérique en 2020. Le rapport de la BPC est l’expression officielle de cette doctrine, prolongée après la récente victoire de Xi Jinping lors du vingtième congrès du Parti communiste chinois.

Entre 2014 et début 2022, les sanctions occidentales à l’encontre de la Russie ont dopé le commerce russo-chinois de près 50 %. Une aubaine pour une Chine qui souhaite réduire sa dépendance au dollar et l’élaboration d’un modèle concurrent basé sur sa propre monnaie. Selon les statistiques de SWIFT, la part de l'utilisation du yuan (RMB) dans les paiements internationaux a augmenté à 2,7 % en décembre 2021, dépassant le yen japonais (JPY) en tant que quatrième devise de paiement la plus active dans le monde, et a encore augmenté en janvier 2022 pour atteindre un niveau record de 3,2 %. Le rapport présente le succès de la stratégie d’internationalisation du yuan via le CIPS sur la période 2016-2021, le volume des transactions est passé de quelques centaines à environ quatorze mille et dans le même temps la valeur des échanges a explosé de plus de 3500 %.

 

Selon le conseil mondial de l’or (World Gold Council, WGC), les banques centrales du monde entier auraient acquis près de 400 tonnes de ce métal au cours du troisième trimestre 2022. Parmi les principaux acheteurs sur cette période, on retrouve la Turquie (31 tonnes), l’Ouzbékistan (26 tonnes), l’Inde (17 tonnes) et le Qatar (15 tonnes). Quid des 311 tonnes d’or restantes ? Au regard de la stratégie chinoise d’accumulation du métal précieux dans le but de réduire son risque d’exposition aux fluctuations du roi dollar, la RPC pourrait remplir le rôle de l’acheteur mystère. Malgré l’opacité de la BPC concernant le niveau de ses réserves d’or, très peu de pays disposent des fonds nécessaires (300 tonnes d’or valent environ 17 milliards de dollars américains) pour acquérir autant de ce métal. 

L'essor du yuan en tant que monnaie internationale de référence est la finalité de ces manœuvres financières. La devise chinoise prend une place de plus en plus conséquente dans les échanges internationaux. En 2021, on observe une augmentation de 29 % (par rapport à 2020) de l’utilisation du RMB dans les opérations financières transfrontalières. L’un des exemples les plus concrets de la stratégie d’internationalisation du yuan concerne les annonces de la couronne saoudienne à propos de l’utilisation de la monnaie chinoise pour les échanges d’hydrocarbures. L’utilisation du RMB par le premier exportateur de pétrole constituerait un renversement de la géopolitique mondiale, portant atteinte à l’hégémonie américaine. En effet, ​​Pékin achète plus d’un quart du pétrole exporté par l'Arabie saoudite. Si elles étaient libellées en yuan, ces ventes renforceraient mécaniquement la position de la monnaie chinoise par rapport au dollar américain. Cet enjeu explique le revirement de la posture de l’administration Biden vis-à-vis de la monarchie arabe, qualifiant dans un premier temps le prince héritier Ben Salmane de « paria », puis cherchant désespérément à renouer avec ce dernier. 

William-Jin Robin et Ivan Richoilley pour le Club Asie de l’AEGE

 

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