Les États-Unis et la Corée du Sud renforcent leur collaboration dans le secteur des semi-conducteurs face à la Chine

La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis se poursuit sur le terrain des semi-conducteurs. La Corée du Sud, acteur majeur de la chaîne de valeur et seconde productrice, jouait jusqu’à présent la carte de l’ambiguïté. Les accords bilatéraux récents suggèrent toutefois son alignement sur la stratégie américaine d’endiguement technologique.

C’est un mauvais jour pour le Président Xi”, clamait le sénateur républicain John Cornyn, suite au vote à la chambre haute des représentants du Chips and Science Act, le 28 Juillet 2022. Cette loi, visant à repositionner l’économie américaine dans la chaîne de valeur des semi-conducteurs, constitue en quelque sorte une “déclaration de guerre économique” à l’encontre de la République Populaire de Chine (RPC) sur le marché hautement stratégique des puces électroniques. 

 

Cette guerre n’a depuis cessé de s’intensifier. Le 8 novembre dernier, le Bureau de l’Industrie et de la Sécurité Américain (BIS) annonçait le lancement d’un groupe de travail pour le contrôle à l’exportation des biens à double usage en coopération avec la Corée du Sud. Deuxième plus grande productrice de semi-conducteurs derrière Taïwan (18 % des parts de marché de la fonderie), le pays se trouve en plein milieu d’un conflit économique et technologique crucial entre son allié historique, Washington, et son plus grand partenaire commercial dans le domaine des puces semi-conductrices, Pékin. 

Initialement introduite par les IDE des entreprises américaines dans les années 1960, la Corée du Sud a su tirer parti de sa main-d’œuvre à bas coût pour le processus de fabrication des semi-conducteurs. Les entreprises nationales ont commencé à investir dans leur propre production dans les années 1980. Depuis, Samsung Electronics et SK Hynix ont surmonté la concurrence et se sont placés parmi les principaux fabricants de semi-conducteurs à l’international. La Corée du Sud est le seul acteur à être présent tout au long de la chaîne de valeur (design, front end, back end). Ce partenariat s’inscrit donc dans une logique de retour sur investissement de la part des États-Unis. Les fruits de ces investissements consentis depuis des décennies tombent à point nommé pour les États-Unis qui peuvent profiter d’un partenariat stratégique dans leur guerre commerciale et technologique face à la RPC. L’offensive américaine a en effet pour objectif affiché de limiter les exportations de produits technologiques avancés vers le marché chinois. Le Département du Commerce Américain se disant prêt à user de manière “agressive” le contrôle des exportations afin de “protéger la sécurité nationale [américaine]”, la position de Séoul constitue un facteur déterminant dans la guerre économique opposant les deux superpuissances.

 

Il semblerait que la Corée du Sud ait choisi son camp, optant pour l’alignement avec son allié, et l’arrimage à l’alliance Chip 4. Proposée par les États-Unis en mars 2022, Chip 4 se veut être une alliance commerciale stratégique de quatre principaux producteurs et exportateurs de semi-conducteurs (Taïwan, Corée du Sud, Japon, Etats-Unis). Cette alliance, si elle venait à être officialisée, représenterait alors 88 % du marché mondial des circuits intégrés, écartant de facto le concurrent chinois. Dès lors, le renversement du rapport de force technologique en cours semble rendre le scénario d’une invasion de Formose de plus en plus envisageable. Du reste, il convient de préciser que la forte dépendance de la Corée du Sud en matières d’exportations de semi-conducteurs (60 %) et de puces mémoire (48 %) vers la Chine constitue encore un frein évident à la pleine adhésion coréenne à l’alliance Chip 4

Eu égard à la tentative chinoise de rachat du fabricant de puces allemand Elmos, force est de constater que l’affrontement technologique entre les deux rivaux ne fait que commencer. 

 

William-Jin Robin et Ivan Richoilley pour le club Asie de l’AEGE

 

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