Accord commercial UE-Chili : la souveraineté alimentaire passera après la transition énergétique

Alors que les négociations sur l’accord commercial UE-Mercosur sont toujours en cours, un nouvel accord de libre échange (ALE) entre l’UE et le Chili vient d’être signé. Entre volonté d’autonomie stratégique et protection de la souveraineté alimentaire, ces accords de nouvelle génération ne font pas l’unanimité.

L’ouverture à davantage d’importations agricoles depuis le Chili inquiète les agriculteurs européens du fait de l’accroissement de la concurrence sur les marchés, combiné à l’absence de politique commerciale protectrice en leur faveur. 

La Commission a fait le choix d’importer les denrées agricoles chiliennes sans condition de conformité aux normes et standards de l’Union. Cet ALE de nouvelle génération est critiqué en raison de l’absence de clauses miroirs, facteur entraînant de jure la non-réciprocité des normes de production. Les produits importés du Chili ne sont donc pas soumis aux mêmes normes environnementales auxquelles les producteurs européens doivent se plier, ce qui est dénoncé comme une concurrence déloyale

De fait, l’accord modernisé ne comprend pas d’exigences détaillées sur les normes environnementales, sanitaires ou sur la protection animale, ce qui le soumet – à cet égard – au respect d’accords internationaux comme ceux de Paris, de l’OIT ou de l’OMC. Le think tank Agriculture et Stratégies relève notamment ces écueils en soulignant que ces clauses miroirs sont à la fois le garde-fou d’un niveau d’exigence de la qualité des produits importés et consommés en Europe, ainsi que de la capacité de l’UE à imposer ses normes. Or, en affichant cet outil juridique comme moyen de protection sans le mettre en œuvre, la Commission démontre son incapacité à assumer une position de norm-maker. 

 

La Commission sécurise ses approvisionnements en lithium en faveur de la transition énergétique

Un premier accord de libre échange existait déjà entre l’UE et le Chili depuis 2003. Il reposait essentiellement sur les exportations des biens à haute composante technologique, comme les produits chimiques ou les automobiles depuis l’Europe, contre les exportations de denrées issues de l’agriculture chilienne. Cependant, depuis 2017, un nouveau mandat pour moderniser l’accord a été donné à la Commission européenne, visant notamment à intégrer les exportations de lithium et de cuivre vers l’Europe. Cette dernière cherche, par ce moyen, à sécuriser ses besoins en matières premières pour réaliser sa transition énergétique et mise ainsi sur le Chili, deuxième producteur de lithium au monde.

L’accord-cadre avancé, finalisé le 9 décembre dernier, se veut être le plus ambitieux à ce jour en matière d’engagements pour le développement durable. En effet, la Commission a annoncé la modernisation de l’accord autour d’engagements contraignants par l’intégration de clauses sur le droit du travail, la RSE ou encore l’intégration inédite d’un chapitre consacré à l’égalité homme-femme. Le cœur des enjeux énergétiques se situe toutefois dans la garantie « d’un meilleur accès aux matières et aux combustibles propres essentiels à la transition vers une économie verte, tels que le lithium, le cuivre et l’hydrogène » ce qui vient  renforcer la sécurisation d’apports en matières premières destinées à la transition écologique. Le Chili est, par ailleurs, un acteur majeur de l’hydrogène vert, s’étant doté d’une stratégie nationale depuis 2020 dont l’ambition est de fournir 5 % de la demande mondiale d’ici 2050.

Pour la France, qui compte développer – d’ici 2027 – l’une des plus grandes mines de lithium en Europe, il faudra donc désormais composer avec la concurrence chilienne. Les échanges commerciaux entre l’Amérique du Sud et l’UE ont un bel avenir devant eux, notamment dans le cadre de la future présidence espagnole de l’Union Européenne, bien que la France continue de bloquer l’accord UE-Mercosur. 

 

Eloïse Calohard

 

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