L’intelligence économique appliquée à la fiscalité, la solution pour sortir de la crise ?

L’impact de la fiscalité française est important pour les sociétés françaises présentes à l’international et cela représente une difficulté supplémentaire dans la guerre économique mondiale. Le gouvernement français pourrait être amené à utiliser la méthode de l’Intelligence Économique pour offrir une solution. C’est-à-dire la mise en place d’une démarche coordonnée avec les entreprises visant à récupérer, analyser et utiliser l’information et créer le concept d’Intelligence Fiscale.

Depuis les années 2000 la France a une balance commerciale négative, de plus de 65,2 milliards d’euros selon les Echos, ce qui signifie que le pays importe plus que ce qu’il n’exporte. En effet, depuis 2004, et malgré une volonté politique affichée dans les médias, le déficit commercial français est dans le rouge et le phénomène tend à s'amplifier. Ce problème est principalement lié au déclin de l’industrie dans l’économie française. Le pays représente aujourd’hui 3% des exportations mondiales de marchandises et les produits français ne représentent plus que 13,5% du marché européen. Alors que le pays reste au 5ème rang économique mondial, l’économie de l’Hexagone est majoritairement devenue une économie de services depuis les années 90. Ce secteur représente plus de 70% du Produit Intérieur Brut (PIB) français alors que l’industrie représente à peine 12%.

La diminution de la part de l’industrie dans l’économie peut facilement être corrélée à l’augmentation de la dette publique française, comme le montre le graphique suivant. Le point bleu correspond au moment où la balance commerciale française est devenue négative.

                                                          

Si la crise de la Covid-19 a mis en avant la nécessité de disposer d’une industrie forte, notamment pour ne pas être dépendant de puissances étrangères sur des produits de grandes nécessités, il est intéressant de constater que cela permet également de réduire le déficit commercial ainsi que la dette du pays. Ainsi, le réveil européen en la matière pourrait permettre un changement de paradigme, notamment fiscal.

La fiscalité française, premier problème ?

 La réponse à la désindustrialisation se trouve probablement du côté de la fiscalité. En effet, les impôts de production représentent 2,8% du PIB en France quand ils sont en moyenne à 1,6% pour l’UE et que l’Allemagne est à 0,4%. La taxation importante des salaires et la fiscalité élevée imposée aux entreprises est supérieure en France par rapport aux pays de l’OCDE. 

En France le salaire médian (50% de gens qui gagnent plus et 50% qui gagnent moins) mensuel est de 1789 € net par mois. Selon le Pôle-Emploi, qui propose une calculatrice interactive, pour un salaire de ce montant, le coût pour l’entreprise est de 3 008€ par mois, soit une différence de 1 219€ par rapport au salaire net. Le salarié touchera environ 2 288€ brut par mois et il recevra sur son compte en banque 1 723€ net. Le salaire du salarié ne représente finalement que 57% du montant déboursé par l’entreprise. Ce niveau de taxation est justifié par le modèle social français, considéré comme l’un des plus avancés au monde. Plus le salaire est élevé et plus le montant des taxes imposées est important. 

La fiscalité française est donc l’une des causes principales du déclin du secteur industriel français, concurrencée par les pays asiatiques ou d’Europe de l’Est qui proposent une main d'œuvre moins chère et des taxes moins élevées. Cette fiscalité a poussé les entreprises à délocaliser une partie de leur production afin de maintenir une rentabilité qui convienne aux actionnaires. 

Une fiscalité élevée favorisant l’optimisation fiscale ?

L’optimisation fiscale est un système légal qui permet d’utiliser les réglementations des différents pays et ainsi diminuer le niveau d’imposition de l’entreprise. En France, elle représenterait entre 50 et 70 milliards d’euros par an. Ce phénomène est notamment très utilisé par les GAFAM qui utilisent la réglementation de pays comme l’Irlande ou le Luxembourg pour défiscaliser leur bénéfice. En effet, Google a récemment envoyé 63 milliards d’euros de bénéfices aux Bermudes grâce à sa filiale irlandaise. En 2015, elle a comptabilisé 55 millions d’utilisations en France pour 248M€ de chiffres d’affaires alors que l’entreprise déclare un CA de 22,6 milliards d’euros pour 4 millions d’utilisateurs en Irlande. Amazon, qui réalise 44 milliards d’euros de CA en Europe ne paye pas d’impôts puisqu’elle profite de sa filiale au Luxembourg pour déclarer des pertes et ainsi bénéficier d’avantages fiscaux. L’entreprise a récemment réussi à annuler une décision de justice européenne qui lui demandait de rembourser 250 millions d’euros d’impôts. Quant à Apple, autre entreprise membre des GAFA, avait été condamnée à payer 13 milliards d’euros d’amendes par l’Union européenne, à la suite de son montage réalisé avec sa filiale irlandaise, mais la cour de Justice européenne vient d’annuler ce jugement. 

L’optimisation fiscale est pratiquée par de très nombreuses entreprises et particulièrement par les entreprises du numérique. Ces pratiques correspondent à un manque à gagner important pour les États. Mais l’optimisation fiscale n’est pas le seul manque à gagner pour l’Etat français : l'évasion fiscale (illégale) représenterait environ 14 milliards d’euros par an en France, la fraude à la TVA environ 13 milliards d’euros par an, la fraude aux prestations sociales représenterait, selon la Cour des comptes, entre 14 et 45 milliards d’euros par an.

L’addition de tous ces chiffres montre que c’est au minimum 100 milliards d’euros par an qui sont détournés illégalement des caisses de l’Etat. En 2020 les recettes de l’Etat français s’élevaient à 250,7 milliards d’euros et ses dépenses s'élevaient à plus de 343 milliards d’euros en 2020, soit un déficit supplémentaire de 93 milliards d’euros.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le modèle social français ni même d’opter pour une position visant à menacer les entreprises, mais plutôt à montrer que la fiscalité française (ménages et entreprises) n'est pas adaptée aux dépenses de l’État Français et à la guerre économique.  

La méthode de l’Intelligence Économique comme solution

Alors que la France possède un des niveaux de taxation les plus élevés de l’OCDE, supérieur à 43%, la mise en place d’une politique d’Intelligence économique pourrait aider à optimiser la politique fiscale française, cette dernière étant indispensable dans la guerre économique. Une fiscalité adaptée pourrait permettre aux entreprises françaises d’investir massivement dans la R&D ou l‘industrie.

Si la France veut renforcer ses entreprises, elle doit avant tout leur offrir la possibilité d’investir et d’innover. Or avec une politique fiscale trop importante cela devient très difficile. L’intelligence fiscale pourrait alors se révéler un outil adapté pour les enjeux économiques à venir.

Pierre Gonsolin
 

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