Le fonds d’investissement Sagard, futur actionnaire de référence de l’ADIT ?

Le fonds d’investissement Sagard est entré en négociations exclusives pour devenir actionnaire principal de l’ADIT. Son entrée possible au capital concrétise la bonne santé financière actuelle de l’entreprise et vise à donner les moyens à cet acteur stratégique français de rivaliser sur la scène internationale avec les plus grands acteurs de l’intelligence économique.

Tempête dans le monde français de l’intelligence économique. L’ADIT, leader tricolore de ce domaine, dans le peloton de tête en Europe, fidèle conseiller des entreprises du CAC 40, entrevoit l’entrée à son capital du fonds d’investissement Sagard, création de la fortune canadienne Desmarais associée à la famille belge Albert Frère.

Selon les informations des Echos, l’actionnaire principal actuel Parquest Capital est ainsi entré en négociations exclusives pour céder au groupe Sagard la majorité de ses actions. Ce dernier devenant actionnaire de référence de la société, serait toutefois minoritaire. De plus, en cohérence avec l’historique de l’ADIT et son rôle stratégique et sensible pour ses clients, l’Etat conservera sa golden share. Les orientations stratégiques et la désignation des dirigeants resteront ainsi soumises à sa validation.

Cette entrée au capital peut être considérée comme un signal fort de la montée en puissance de l’ADIT. Originellement établissement public, créé en 1993 dans le sillage des premières initiatives publiques françaises en intelligence économique, elle a été privatisée en ouvrant son capital à plusieurs fonds privés successifs : Butler en 2011, puis Weinberg Capital Partners en 2015 et Parquest Capital en 2019 accompagné d’Amundi en minoritaire, Bpifrance détenant le tiers du capital.

Grâce à ces arrivées de capitaux, et sous l’impulsion depuis 1994 de son PDG Philippe Caduc, l’ADIT a mené une politique offensive de croissance externe, en absorbant ou en participant à plusieurs entreprises spécialisées dans divers domaines de l’intelligence économique, cherchant en premier lieu à diversifier son activité pour accroître son importance sur le marché international. C’est notamment le cas de Geos en 2018, pour la sûreté, d'Eurotradia pour l'accompagnement des entreprises à l'international en février 2020 au sein du nouveau pôle Euro Advocacy, d’ESL & Network (prise de participation majoritaire en juin 2020 et absorption d’Entreprise & Diplomatie en 2021) ainsi que de Stratinfo en juillet 2021 pour les activités d’influence.

Si des rumeurs de vente circulaient, celle-ci ne se fera pas pour raisons financières. L’arrivée de Parquest au capital s’est traduite par des résultats significatifs pour la société, sa valeur ayant très fortement augmenté depuis, passant de 130 M€ en 2019 à 325 M€ en 2022, avec un chiffre d’affaires de 150 M€. Ces résultats s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité des performances précédentes, tirant bénéfices de la privatisation, de la politique offensive de l’entreprise, multipliant les rachats, et plus largement des besoins des entreprises en intelligence économique.

La direction de la société pourrait bien profiter de ce rachat pour continuer encore le développement de ses activités. Notamment, en profitant des nouvelles perspectives ouvertes par la nouvelle forme de l’actionnariat pour étendre encore ses actions à l’international – en Europe et sur les cinq continents – en bénéficiant des réseaux de son actionnaire potentiel et de ses nouvelles opportunités. Cela correspond avec l’ambition affichée de l’ADIT, conformément aux volontés françaises, de former un acteur de l’intelligence économique assez puissant pour concurrencer les géants anglo-saxons. Cette volonté stratégique sous-entend aussi le souci de l’Etat, matérialisé par son actionnariat préférentiel, de conserver le caractère tricolore de l’entreprise. Ainsi, l’organisation du nouveau venu demeure d’une importance cruciale.

Sur ce point, Philippe Caduc tient à préciser : « le fonds Sagard succèdera à Parquest en tant qu’actionnaire de référence du groupe. L’ensemble des actionnaires actuels – Parquest, Bpifrance et Amundi – ont choisi de réinvestir significativement aux côtés de Sagard, témoignant ainsi leur confiance dans le groupe et leur souhait de continuer à accompagner ses futurs développements. L’opération ne remet pas en cause les garanties exceptionnelles dont bénéficient historiquement l’Etat et Bpifrance, en particulier s’agissant de la localisation en France du siège social, de l’agrément formel des actionnaires au travers d’une action de préférence ou de la nomination des dirigeants. »

Sagard n’est pas un inconnu pour l’ADIT. En 2019, il avait déjà participé au processus d’enchères pour la succession de Weinberg Capital avant de s’en retirer du fait de la constitution de son actionnariat. Créé en 2002 et situé à Paris, ce fonds de capital-investissement en Europe est dirigé par Jocelyn Lefebvre et intégralement détenu par le canadien Sagard Holdings Participation, filiale de Power Corporation of Canada de la famille Desmarais associée à la famille Frère. Spécialisé dans les petites et moyennes capitalisations dans l’industrie, la santé, les technologies et les services, le fonds français a majoritairement investi 2 milliards d’euros en 17 ans dans des entreprises tricolores (Sabena Technics, Nutrisens, Vulcain Ingénierie, Safic Alcan…) et levé plus de 350 millions d’euros en 2020 pour son quatrième véhicule d’investissement, dans lequel l’ADIT devrait être logiquement intégré si l’entrée du fonds à son capital se confirme, assurant ainsi sa pérennité.
 

Hubert Le Gall

 

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