Lundi 3 avril 2023, le géant des cosmétiques L’Oréal a racheté la marque australienne Aesop au groupe brésilien Natura & Co pour 2,53 milliards de dollars US. Derrière ce rachat se dessine la stratégie du groupe français d’acquérir une marque de produits haut de gamme avec une clientèle de nature différente afin d’accentuer sa présence sur le marché asiatique.
Aesop est une marque de produits de beauté de qualité, reconnue pour ses formules efficaces et son éthique rigoureuse. En plus donc de correspondre en tout point à ce que promeut L’Oréal – la beauté au travers de produits de qualités, d’engagements solides et d’une culture distincte -, la marque australienne affiche aujourd’hui des résultats plus que convaincants (plus de 21 % de taux de croissance annuelle). Alors même que les chiffres de L’Oréal sont très significatifs, le rachat d’Aesop permet au 1er groupe mondial dans l’industrie cosmétique de raffermir sa place. Pour rappel, le chiffre d’affaires du groupe est en hausse de 23,4% en 2022. L’Oréal continue donc sa dynamique de conquête car au fur et à mesure que son chiffre d’affaires augmente, le groupe agrandit son portefeuille de marques en acquérant des sociétés. En effet, si le rachat d’Aesop a été le plus cher de l’histoire de L’Oréal, ce n’est pas un cas isolé : en moins d’un an, le groupe a également racheté deux marques de cosmétique, à savoir Byrendo et Skinbetter Science. Il sera donc intéressant de voir ce que fera le leader du secteur ces prochaines années. De toute évidence, il devrait continuer sa politique d’expansion et de consolidation.
Si L’Oréal a choisi Aesop, c’est notamment en raison de ses parts de marché. Dans le dernier communiqué de presse du groupe, il est précisé que « Aesop est distribuée dans environ 400 points de vente exclusifs en Amérique, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Asie, avec une présence naissante en Chine où le premier magasin a ouvert ses portes en 2022 ». Il se dessine donc la deuxième raison pour laquelle ce rachat est loin d’être anodin : en plus de continuer sa lancée et d’accroître sa gamme de luxe, L’Oréal ambitionne de conquérir davantage le marché asiatique, et notamment la Chine. L’Asie représente en effet presque un tiers du chiffre d’affaires du groupe. Le continent est donc une explication majeure du dynamisme de ses résultats actuels. Cette zone est donc aujourd’hui perçue par L’Oréal comme une terre pleine d’avenir sur laquelle il faut continuer d’investir.
Ce rachat permet de s’intéresser à la stratégie utilisée par le leader de la cosmétique afin d’acquérir davantage de parts de marché à l’international. Force est de constater que cela passe par le rachat de marques en pleine croissance dans des zones géographiques cibles : c’est de l’investissement brownfield, soit lorsqu’une entreprise achète ou loue une structure déjà existante. Ainsi, avant la Chine avec Aesop, le rachat de Skinbetter Science a permis de cibler les États-Unis. Cette stratégie n’est pas propre à L’Oréal car des groupes parfois concurrents font également de même en rachetant des marques reconnues dans des pays au riche potentiel. C’est ainsi le cas du fameux rachat de Tiffany&Co, qui a permis au leader du luxe LVMH de conquérir le marché américain. Cela signifie donc que ces groupes du luxe – bien qu’ils soient français dans le cas de L’Oréal, LVMH ou encore Kering – se développent en agglomérant des entreprises de nationalités différentes. Autrement dit, malgré leur héritage national, les leaders du luxe et de la cosmétique se présentent aujourd’hui davantage comme des groupes multinationaux. Cela pose la question de la pertinence du critère de nationalité dans l’identité et la culture d’une entreprise. Ainsi, si avant la nationalité unique d’un groupe pouvait être une force à l’internationale, peut-elle désormais être un frein ?
Stévan Purrini
Pour aller plus loin :