Les annonces de Total et Shell indiquent que le complexe politico-industriel occidental se réveille

Après le virage de Total à la mi-janvier, c’est au tour de Shell de communiquer un signal fort de virage stratégique vers les énergies dites renouvelables avec le rachat d’Ubricity, leader européen du secteur de la fourniture de bornes électriques de recharges sur les voies publiques. Ce virage s’explique autant par l’activisme de la Russie et de la Chine qui menacent la possibilité pour les majors de pouvoir continuer à vivre de leur rente pétrolière, que par le réveil des vieilles puissances occidentales.

La supermajor Total a annoncé le 15 janvier dernier son retrait de l’American Petroleum Institute (API), le puissant lobby américain de l’industrie pétrolière et gazière, connu pour son influence dans le milieu grâce à la création de l’indice API ; indice qui mesure la densité de pétrole brut présent dans un produit. L’API s’était également signalée en 2018 par sa campagne d’influence victorieuse afin de libéraliser les normes régulant les émissions de méthane lors de l’extraction de gaz de schiste aux États-Unis.

L’annonce de rachat par Shell, du leader européen du secteur de la fourniture de bornes électriques, Ubricity, le 25 Janvier s’inscrit dans un mouvement stratégique de l’industrie du pétrole et du gaz vers les énergies renouvelables en Occident. Au contraire, la Russie a décidé de renforcer son secteur pétrolier via le projet Vostok qui pourrait lui permettre de devenir le réservoir à gaz et à pétrole du Monde alors que la Chine est possiblement devenue le premier raffineur mondial en fin d’année 2020. Concernant ce virage stratégique, les inquiétudes sont nombreuses étant donné l’efficacité technique moindre des énergies renouvelables et de la mainmise chinoise sur les terres rares

Pourtant il semble que les secteurs privés et publics occidentaux ont pris conscience des risques stratégiques liés à la transition. Tout d’abord concernant, la dépendance européenne à la Russie, la piste du pipeline “sunnite” (reliant le détroit d’Ormuz en passant par les pays arabes sunnites) a été remise sur le devant de la scène par l’ancien secrétaire américain à l’énergie. Ensuite concernant la dépendance chinoise aux terres rares, celle-ci pourrait diminuer, notamment au regard du nombre de projets miniers contrôlés soit par des européens qui confirme la volonté européenne de s’émanciper de Pékin, soit par des anglo-saxons via le soutien de l’État fédéral américain à l’industrie minière afin de relocaliser la production de terres rares. Enfin concernant l’aspect technique, Penn State vient de démontrer la possibilité de fabrication d’une batterie au lithium haute capacité thermo-modulé, à recharge rapide avec une durée de vie allongée; ce qui augure de meilleures capacités de stockage et d’utilisation des futures batteries.

Cependant, la période de transition qui s’annonce ne sera pas exempte de tensions entre les puissances occidentales et asiatiques étant donné que le pétrole et le gaz restent les ressources d’énergies les plus efficaces en termes calorifique et au niveau de la rentabilité, ainsi que les plus utilisées.

 

Pierre-Guive Yazdani

 

Pour aller plus loin:

L’Union européenne ambitionne de sortir de sa dépendance aux terres rares

Forte hausse sur le prix des terres rares chinoises

[JdR] La dépendance aux terres rares : un risque économique et stratégique