Les conflits en mer de Chine entre les principales puissances présentes se règlent aujourd’hui sur fond de course à l’armement et d’encerclement cognitif. La révélation chinoise des missiles hypersoniques ravive davantage les tensions et provoque une course en avant tout azimut pour la maîtrise de cette technologie. La découverte de l’avancement chinois en la matière joue un rôle d’électrochoc pour l’administration américaine, qui se lance elle aussi dans la course.
Les missiles hypersoniques, une technologie convoitée
En août dernier, la Chine a testé un missile hypersonique à grande portée capable de faire le tour du monde à cinq fois la vitesse du son, avec la possibilité d’embarquer une tête nucléaire. Cela pose de sérieux problèmes aux Etats-Unis puisque ce genre de missiles, en plus d’être beaucoup plus difficile à intercepter, rend la stratégie anti-missile américaine quelque peu obsolète sachant que celle-ci est tournée vers le nord (le chemin le plus rapide pour un missile conventionnel tiré depuis la Chine). Or, cette nouvelle génération de missiles peut en effet passer par le sud, au-dessus de l’Antarctique.
Bien que les Etats-Unis s’intéressent de près à la technologie hypersonique depuis longtemps, la Chine avance beaucoup plus vite que les États-Unis. D’après le général américain John Hyten, le développement de cette technologie d’armement par la Chine serait « époustouflant », alors que celui des États-Unis serait ralenti par une bureaucratie « brutale ».
Ce développement de missiles hypersonique intervient dans un contexte tendu de course à l’armement et d’alliance en Asie. En effet, la Corée du Sud, le Japon, l’Inde, l’Australie et Taïwan n’hésitent pas à faire des démonstrations de force, comme le test de tir de missile sud-coréen ou l’alliance AUKUS entre l’Australie et les États-Unis pour ne citer que cela.
Bien entendu, la Chine et la Corée du Nord ne sont pas en reste. Si ces derniers ne sont plus vraiment des alliés idéologiques, les deux pays sont toutefois hostiles à la présence des États-Unis dans la région. De plus, la Corée du Nord continue, envers et contre tous, le développement de ses programmes nucléaires et de missiles hypersoniques.
Une stratégie chinoise à plus grande échelle
Au-delà de la course à l’armement, la Chine se livre à une guerre cognitive anti-américaine très réussie comme le démontrent les résultats au box-office du film chinois, The Battle at lake Changjin. Ce film retrace l’une des plus sévères défaites des États-Unis au XXème siècle durant la guerre de Corée au début des années 50. Ce film glorifie la puissance chinoise et tourne en ridicule le général McArthur, le héros de la guerre du Pacifique. Le succès d’un tel film semble être un bon indicateur d’un changement de paradigme concernant la perception de la guerre par le parti communiste chinois. Si la guerre était avant perçue comme facteur d’instabilité par le parti, elle est maintenant glorifiée car perçue comme un moyen de gagner en puissance.
La Chine pratique un encerclement cognitif fort sur sa population par l’intermédiaire d’influenceurs sur les réseaux sociaux appelés « Military fanboys ». Ces influenceurs promeuvent la puissance du pouvoir militaire chinois et de ses capacités d’intervention, à l’instar de Baoji Politics and Law qui menace le Japon d’une attaque nucléaire si le pays venait à empêcher la réunification avec Taïwan.
Réaction américaine
Les États-Unis développent aussi leur solution d’attaque en multipliant les tests depuis le début de l’année fiscale 2022, qui commença le 1er octobre 2021.
Le Général Mark A. Miller, Chairman of the Joint Chief of staff, relie le dernier test de missiles hypersoniques chinois à un « effet Spoutnik ». Ce terme fait référence au début de la course à la suprématie spatiale après l’envoie du premier objet en orbite par l’URSS.
La situation actuelle est très analogue, puisque comme en 1957, la réalisation du rattrapage, provoque non pas la création de la NASA, mais la mise en place de contrat pour développer une solution de défense aux missiles hypersoniques. Ce sont les entreprises Lockheed Martin, Raytheon, et Northrop Grumman qui ont répondu à l’appel d’offre de 60 millions de dollars.
L’annonce du test chinois et la situation géopolitique en mer de Chine permet aux militaires américains de pousser pour une augmentation du budget de la défense auprès de l’administration Biden, alors que celle-ci est en pleine révision de la stratégie nucléaire, et que les libéraux s’opposent à l’allocation de ressources supplémentaires.
Dans l’objectif de faire passer l’augmentation des budgets, il est proposé de développer en même temps des solutions hypersoniques commerciales. Le Defense spending Act pour l’année 2022, ratifié en décembre par le congrès et qui représente 768,2 millions de dollars, entérine l’intérêt de Washington pour cette technologie, qui en fait son cheval de bataille pour l’année 2022. Une nouvelle guerre des étoiles semble commencer, les rôles étant inversés cette fois… Les USA ont mordu à l’hameçon chinois, reste à savoir quand vont-ils le lâcher ?
Alexandre Cha pour le Club Défense de l’AEGE
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